Enseignements du printemps du 17e Gyalwang Karmapa
à l’occasion de l’Arya Kshéma
La vie du 8e Karmapa Mikyeu Dorjé
7e Arya Kshéma
21 février 2021
1e Partie : Se débarrasser de la coque
Sa Sainteté commence le 6e jour d’enseignement en nous souhaitant la bienvenue et il nous rappelle que nous avons tous cette opportunité de partager le vrai dharma. Les organisatrices de l’Arya Kshéma ont fait la requête de ces enseignements pour tous les monastères de nonnes, et les shedras y participent aussi.
Sa Sainteté insiste sur le fait que nous pouvons parler comme si nous étions en présence les uns des autres, malgré les difficultés liées à la pandémie et l’impossibilité de se rencontrer en personne. En fait, ces enseignements sont d’autant plus importants qu’ils offrent l’opportunité à de nombreuses personnes d’écouter l’histoire de libération de Mikyeu Dorjé d’une manière dont on n’aurait jamais songé auparavant.
Pour tout étudiant de la philosophie Kagyu, l’écoute de l’histoire de libération de Mikyeu Dorjé est de la plus grande importance parce que nous apprenons à connaître son caractère et ses actes bénéfiques. En nous familiarisant avec ce qu’il a enseigné, nous pouvons développer et ressentir une vraie dévotion.
Avec une série de diapositives qui présentent le détail des noms et des dates ainsi que des images, Sa Sainteté nous parle de la naissance de Mikyeu Dorjé, dans un village à deux heures de la ville de Changdu le 4e jour du 11e mois lunaire de l’année Feu-Lièvre femelle, en 1507 dans le calendrier occidental. Il explique que Gyaltsap Tashi Namgyal a donné à Mikyeu Dorjé le nom de moine de Cheukyap Drakpa Pal Sangpo. En outre, Sa Sainteté montre des images claires d’un stoupa en mémoire de Mikyeu Dorjé, d’un arbre planté l’année de sa naissance, et de l’écorce d’arbre sensée avoir été utilisée pour envelopper le corps de sa mère après sa mort. D’autres images montrent les ruines d’une maison construite à la mémoire de sa mère ainsi que deux photos d’empreintes de pas de Mikyeu Dorjé.
Puis le Gyalwang Karmapa revient à la deuxième strophe de la Louange « Il chercha avec soin … ».
Ayant vu que ceux qui s’efforcent à faire du dharma
à partir du pseudodharma des fautes naturelles et des désobéissances
en sont en dehors, comme une coquille,
Il enseigna clairement le sens bon – à lui, j’adresse ma prière.
Selon le 5e Shamar, Keunchok Yènlak, le sujet de cette strophe est le suivant : ‘Comment il abandonna lui-même les obstacles aux enseignements et amena les autres à en faire autant.’ Sa Sainteté apporte des précisions sur le sens de cette strophe : « Quand nous pratiquons le dharma, il est très important que nous sachions faire la différence entre le dharma et le non-dharma. » Pour le distinguer, il nous faut établir ce qui doit être adopté comme étant le dharma, ou ce qui doit être rejeté comme non-dharma. Il nous faut non seulement en comprendre le sens, mais aussi le mettre en pratique. Et ce n’est que si nous y parvenons qu’on pourra être considéré comme un vrai pratiquant du dharma ; et cette véritable mise en pratique dépend essentiellement de notre forte aspiration et de notre détermination.
Pour que la voie des Auditeurs et des Pratyekabuddhas prenne racine en notre être, il nous absolument avoir l’intention d’obtenir le nirvana. Nous devons mettre de côté tout ce qui fait obstacle au chemin, comme le désir de célébrité, de respect et de biens matériels. Pour que la voie du mahayana prenne racine en notre être, nous devons considérer autrui comme plus important nous. Cependant, nous prenons souvent plaisir dans les souffrances d’un adversaire. Quand nous faisons des pratiques tantriques, nous devrions méditer sur le monde entier comme étant un royaume pur ainsi que tous les êtres qui l’habitent. Pourtant, tout apparaît comme hostile ou quelque chose que nous n’aimons pas. Sa Sainteté détaille les deux dernières lignes de la strophe. Il remarque que, quand nous ne savons pas ce que nous devons faire et ce que nous devons abandonner, nous mélangeons les pratiques des trois vœux. On nous dit que nous devrions rejeter la désobéissance et les actions nocives ; cependant, nous faisons le contraire et les mettons en pratique. Même si nous ne sommes pas vraiment des pratiquants du dharma, on en a l’apparence extérieure. Nous agissons comme si nous étions des pratiquants, mais Mikyeu Dorjé dit que c’est inutile. C’est comme la coquille qu’il faut enlever, et non quelque chose à conserver.
Mikyeu Dorjé a enseigné le chemin sans erreur du sens ; et donc nous le prions car il a enseigné le sens très clairement. Par exemple, le Seigneur Tsongkhapa a écrit dans son Résumé des étapes du chemin :
Moi, le yogi, je pratique comme cela.
Vous qui voulez la libération, faites de même.
Plus tard, ceci a été légèrement modifié :
Les jetsun gourous pratiquent comme cela.
Vous qui voulez la libération, faites de même.
Il nous faut pratiquer comme les vénérables gourous. Quand nous lisons la Louange « Il chercha avec soin … », nous devons penser à la pratique tout en la récitant.
2e Partie : Rencontre avec les gourous authentiques
Avec l’autobiographie les Actes bons, Sa Sainteté nous amène vers les gourous authentiques de Mikyeu Dorjé. Sa Sainteté lit d’abord le troisième acte bon :
Quand j’ai vu que les maîtres du mahayana ne faisaient pas erreur,
J’ai été subjugué par leurs qualités excellentes
Et j’ai agi en harmonie avec tous leurs nobles exemples.
Les grands êtres m’ont alors accordé leurs bénédictions avec joie.
Je considère ceci comme un de mes actes bons.
Selon le commentaire de Sangyé Paldroup, La lampe lumineuse, ce troisième acte bon est la troisième section qui porte sur ‘les conditions favorables pour suivre de grands amis spirituels’. Il existe aussi un autre texte composé par Mikyeu Dorjé intitulé Actes passés de Mikyeu Dorjé, dans lequel il décrit comment il a rencontré des amis spirituels et a créé des connexions :
J’ai rencontré le grand être, le Nyéwo Goshri Tulkou Tashi Namgyal, une émanation du disciple de Milarépa Shiwa Eu et du bodhisattva Paljor Deundroup. Il m’a donné les vœux de jeûne du mahayana ainsi que des initiations, des bénédictions, et des instructions essentielles, y compris Bhagavan Gyalwa Gyatso, Vajravarahi, Mahakala Bernakchèn. Je le tiens en haute estime, et lui porte un respect indéfectible et je me tourne vers lui pour accumuler du mérite et confesser les actes négatifs.
Puis, Sa Sainteté enseigne les biographies brèves des principaux maîtres de Mikyeu Dorjé, y compris le 2e Gyaltsap Tashi Namgyal et Sangyé Nyènpa Rinpoché, aussi connu comme Dènma Drouptop.
Courte biographie de Gyaltsap Tulkou Tashi Namgyal
Sa Sainteté présente une courte biographie du premier gourou de Mikyeu Dorjé, le 2e Gyaltsap, Tashi Namgyal. Il est né dans la vallée de Nyémo au Tibet central, l’année Feu-Mouton (1487 ap. J-C). Le 7e Karmapa le reconnut comme la réincarnation de Goshri Paljor Deundroup. L’année Eau-Cochon de 1503, comme prophétisé par Gourou Rinpoché, Cheudrak Gyatso lui donna une coiffe rouge avec une flamme dorée, consacrée avec l’essence de la parole de la pratique de Vajra Amitabha Lama Gongdu. Ceci est à l’origine de la coiffe couleur orangée que portait Gyaltsap Tashi Namgyal.
A l’époque du 7e Karmapa, Gyaltsap Tashi Namgyal reçut des initiations, des transmissions, etc. de Goshri tulkou, Droung Sitoupa, et son frère, Drongbou Goshri. Il reçut en outre des instructions et l’ordination monastique de la tradition de Jé Kyasé. Gyaltsap Tashi Namgyal reçut des transmissions de toutes les différentes lignées du Tibet. A la mort du 7e Karmapa, Cheudrak Gyatso, il devint le régent et reçut le titre ‘Gyaltsap’ qui signifie le régent du tulkou. Il fit construire un stoupa doré pour les restes du 7e Karmapa, Cheudrak Gyatso. Puis il reconnut et intronisa le 8e Karmapa. Il mourut l’année Bois-Cochon (1515) à l’âge de 29 ans.
Puis Sa Sainteté raconte comment Mikyeu Dorjé rencontra Gyaltsap Tashi Namgyal le 11e jour du 2e mois lunaire de l’année de l’Oiseau (1513), quand il fut intronisé comme 8e Karmapa. Le 3e jour du 4e mois lunaire de 1513, Mikyeu Dorjé prit les vœux de sojong du mahayana avec Gyaltsap Rinpoché et reçut le nom de Cheukyap Drakpa Pal Sangpo. Le 3e jour du 8e mois lunaire de la même année, Gyaltsap Rinpoché lui donna les vœux de moine.
En résumé, Mikyeu Dorjé considérait que Gyaltsap Tashi Namgyal était extrêmement bon avec lui. Non seulement cela, mais il traitait aussi la réincarnation de Gyaltsap Tashi Namgyal avec grand respect, comme le montrent plusieurs textes ; par exemple, l’histoire du dharma de Pawo Rinpoché, un Festin pour les érudits, dit ceci :
Il considérait Shamar Keunchok Yènlak, le nirmanakaya du 4e détenteur de la coiffe de Shamar, et Drakpa Paljor, le tulkou de Gyaltsap Rinpoché, comme ses lamas véritables. Il ne les considérait pas autrement, pas comme ses étudiants.
Il considérait les réincarnations du 5e Shamar et du 3e Gyaltsap comme ses vrais gourous, ce qui est clairement indiqué dans l’autobiographie de Mikyeu Dorjé :
Après cela, j’ai approché le nirmanakaya du seigneur lui-même, le grand Avadhūtīpa Drakpa Paljor. Bien que je ne lui aie pas fait réellement les offrandes du corps et de la parole, je l’ai considéré mentalement comme digne de prosternations et de respect ; j’ai fait autant d’accumulation et de purification que le pouvait mon esprit.
C’est le moment de la pause, agrémentée du mélodieux chant des nonnes de Karma Droupdey Palmo Cheukyi Dingkhang.
Après la pause, Sa Sainteté propose une courte biographie du gourou le plus important de Mikyeu Dorjé, Sangyé Nyènpa Drouptop.
Biographie de Sangyé Nyènpa Dènma Drouptop :
De tous les gourous qu’il a suivis, celui pour qui Mikyeu Dorjé avait le plus de dévotion fut Sangyé Nyènpa. Le 1e Sangyé Nyènpa s’appelait Dènma Drouptop. Mikyeu Dorjé le suivit à partir de l’âge de 10 ans.
Sa Sainteté décrit les premières années de Sangyé Nyènpa. Il est né dans les années 1440, dans la vallée de Dènma au Kham et il est un descendant du seigneur de Dènma. La première fois qu’il a entendu le nom ‘Karmapa’ quand il était jeune, il a eu la chair de poule, il a pleuré et ne pouvait ni manger ni dormir. Quand il a eu 6 ans, ses parents l’ont amené auprès du 7e Karmapa pour une audience. Dès leur rencontre, ce fut comme si un père et son fils se retrouvaient et le sentiment qu’ils avaient l’un pour l’autre ne ressemblait à aucun autre. C’est alors que le 7e Karmapa lui donna le nom Tashi Paljor. A l’âge de 8 ans, il devint moine avec Bèngar Jampal Sangpo et Paljor Deundroup. De l’âge de 9 ans à l’âge de 16 ans, il étudia les cinq dharmas de Maitreya, la collection sur la logique de Nagarjouna et d’autres enseignements des soutras et tantras. Après avoir étudié la philosophie, il pensa qu’il faudrait aussi qu’il pratique, qu’il suive un gourou et reçoive les instructions essentielles.
Sa Sainteté met l’accent sur certains aspects importants de l’aspiration de Sangyé Nyènpa à pratiquer pleinement le dharma. Sangyé Nyènpa se rendit chez le 7e Karmapa, Cheudrak Gyatso, et fit la requête de pratiquer. Une fois que le 7e Karmapa eut donné son accord, Sangyé Nyènpa ne fut jamais séparé de lui un seul instant. Il ne se nourrissait que de miettes, ce qui lui valut le surnom de Nyènpa Ngœkyok, qui signifie ‘Nyènpa le bleu ratatiné’. À l’âge de 23 ans, il avait reçu beaucoup d’instructions et décida de se vouer exclusivement à la pratique. Avec la bénédiction du 7e Karmapa, il se rendit dans certaines régions du Kham, puis du Tibet centraL Il pratiqua trois ans à Kampo Nénang, deux ans à Pangpouk, deux ans à Tsourpou, et un an en retraite à Tanglha. Pendant huit ans, il n’alluma jamais un feu ni ne mangea de nourriture chaude. Il subsistait seulement avec chü-len ou ‘extraction de l’essence’, une pratique qui consiste à visualiser des objets extérieurs comme étant de la nourriture, et à visualiser qu’on les mange et qu’on en est nourri.
De plus, il n’avait jamais de réserves. Il ne mangeait que les restes des tormas et il utilisait les feuilles de thé usagées pour la boisson. Il avait fait vœu de silence, sauf pour parler avec ses gourous. Puis, le 7e Karmapa envoya Ser Jadralwa Gèndun Gyaltsèn pour accompagner Sangyé Nyènpa, et tous deux vécurent de chü-len. Ils passèrent cinq ans à Namtso. Puis, ils allèrent à Nomtang dans le Meun, à Drowoloung Sangpo et à Shampo Gang, et ils pratiquèrent un an dans chacun de ces lieux. À l’âge de 40 ans, il souhaita se rendre à Ouddiyana. Il voulait tester son ami et voir s’il viendrait avec lui. Pour ce faire, il lui demanda s’il voulait aller à Shambala dans le nord. Son ami répondit : « Comment pouvons-nous aller dans des endroits que Mènloung Gourou et Drouptop Orgyènpa, enseignant du 3e Karmapa, n’ont même pas réussi à atteindre ? Au lieu de cela, si tu as assez confiance, essayons d’aller à Ouddiyana, à l’ouest. » Alors qu’ils se préparaient à partir à Ouddiyana, Ser Jadralwa mourut subitement et Sagyé Nyènpa abandonna le projet.
Sa Sainteté décrit les nombreuses activités miraculeuses de Sangyé Nyènpa et comment il a reçu le nom de Nyènpa Drouptop ou Nyènpa Mahasiddha. Une fois, Sangyé Nyènpa rêva de sa mère et ressentit le grand désir de la voir. Quand il en parla au 7e Karmapa, ce dernier incita Sangyé Nyènpa à retourner dans son pays natal. Cependant, avant de partir, Sangyé Nyènpa se rendit compte que sa mère était déjà morte mais qu’elle avait repris naissance en tant que dakini. Dans une vision, Sangyé Nyènpa vit qu’elle vivait dans un domaine terrestre et voulait demeurer dans le ciel. Il comprit qu’elle lui avait fait la requête de l’initiation de Chakrasamvara. Grâce à son samadhi, il put lui donner l’initiation.
Sa Sainteté donne un autre exemple des multiples façons dont Sangyé Nyènpa était bénéfique aux êtres. Au cours d’une guerre entre le pays natal de Sangyé Nyènpa – Dènma – et Adro, quelqu’un de l’Amdo tua un de ses frères. Cet individu se mit aussi en route pour le Tibet central pour tuer Sangyé Nyènpa. A l’époque, Sangyé Nyènpa menait une vie de yogi dans une grotte. Quand les ennemis arrivèrent dans la grotte, ils virent que Sangyé Nyènpa n’avait qu’un peu d’herbe sèche, qu’il était très maigre et que ses robes étaient en lambeaux. A sa vue, leur haine disparut immédiatement et la dévotion les submergea. Ayant ressenti de la foi, aussi bien les gens de Dènma que d’Adro demandèrent son aide pour résoudre leur conflit. Cependant, Sangyé Nyènpa ne souhaitait pas s’engager dans de telles activités mondaines.
Le 7e Karmapa envoya une lettre à Sangyé Nyènpa lui demandant de construire un monastère afin de contribuer au bien des êtres. Cependant, Sangyé Nyènpa estima qu’il n’avait pas les qualités pour mener ce projet à bien ; il pensa que le 7e Karmapa était peut-être en train de tester son niveau de réalisation. Mais Sangyé Nyènpa répondit qu’il était incapable de construire un monastère. Une fois encore, une lettre arriva qui lui ordonnait de construire un monastère. Sangyé Nyènpa savait répondre aux exigences du gourou. Il retourna à Dènma et résolut le conflit avec Adro. Il construisit ensuite un monastère au lieu de retraite de montagne de Orgyèn, et enseigna à de nombreuses personnes qui avaient pris part au meurtre de son frère. Quand ces anciens ennemis se rendirent compte de son impartialité, ils développèrent une grande foi en lui. Non seulement il construisit un monastère, mais nombre de ses étudiants ont obtenu des accomplissements.
Tous les monastères qui existaient précédemment à Dènma furent jaloux et eurent la crainte que tout le monde devienne Kagyupa. Quand ces monastères prirent les armes contre l’institution de Sangyé Nyènpa, les autres dans la région les empêchèrent de se battre. Malgré la persistance de quelques différends, les moines de Sangyé Nyènpa passaient essentiellement leur temps en retraite. Peu de temps après, un violent tremblement de terre détruisit les monastères adverses. A même moment, les lieux de retraite s’effondrèrent aussi mais partiellement. La chambre de Sangyé Nyènpa était au quatrième étage mais il s’en sortit indemne quand le bâtiment s’effondra. On put le voir assis sur un des deux murs restants. Les gens en conclurent qu’il avait été sauvé par ses pouvoirs miraculeux et qu’il avait volé pour être en sécurité. C’est ainsi qu’il obtint le nom de Nyènpa Drouptop.
Par la suite, il construisit un nouveau monastère appelé Jangchoup Ling au pied de la montagne. Il recueillit aussi des offrandes, restaura les monastères détruits et endommagés, et promut l’harmonie entre tous les monastères de la région. Puis le 7e Karmapa l’encouragea à quitter Dènma et à construire un monastère dans le Bas Dokham. Il se rendit dans différents lieux et si les monastères étaient en mauvais état, il les restaurait. Partout où il allait, il encourageait les pratiquants à pratiquer la vertu.
Il fit beaucoup d’offrandes au 7e Karmapa. Il devint le gourou du 8e Karmapa et lui donna des initiations et des instructions essentielles. A l’âge de 65 ans, ayant accompli toutes ses activités, il décéda à Karma Gœn. Il avait beaucoup d’étudiants et fit le souhait que tous ses étudiants deviennent les étudiants de Mikyeu Dorjé.
Après cette brève mais néanmoins détaillée biographie de Sangyé Nyènpa Drouptop, Sa Sainteté raconte comment Mikyeu Dorjé a rencontré son gourou. Quand Mikyeu Dorjé avait 4 ans, la sœur du 7e Karmapa, Wangmo Gawa, est venue le voir et lui a demandé : « Qui est ton gourou ? » Mikyeu Dorjé a répondu :« Sangyé Drouptop ». Ainsi, parmi tous ses gourous, Sangyé Nyènpa Drouptop venait en premier.
Il a rencontré Sangyé Nyènpa quand il avait 9 ans. A l’époque, Mikyeu Dorjé fit le souhait de suivre le gourou, mais il n’en avait pas la liberté. Le 4e Shamar, Cheukyi Dragpa, était celui qui convenait le mieux pour être son enseignant, mais Mikyeu Dorjé était au Kham et le Shamarpa au Tibet central. Dans l’incapacité de se rencontrer, le 4e Shamar conclut dans une lettre que Gyaltsap Rinpoché serait celui qui conviendrait le mieux mais il était décédé. Ainsi, Sangyé Nyènpa Drouptop est devenu l’enseignant le plus important pour Mikyeu Dorjé.
Mikyeu Dorjé a suivi Sangyé Nyènpa à partir de l’âge de 10 ans. Pendant une courte période de deux ans, il reçut toutes les transmissions et les initiations. Gyalwang Karmapa demande : « Comment a-t-il fait ? » Il explique que Mikyeu Dorjé passait tout son temps avec son gourou, du lever du soleil jusqu’à son coucher. Il ne perdait aucun instant.
Ceci est décrit dans les Actes passé de Mikyeu Dorjé :
Puis, j’ai touché les pieds de Sangyé Nyènpa Mahasiddha, le nirmanakaya de Jowo Smṛtijñāna, et j’ai pris les vœux de novice. Il m’a donné les initiations et les bénédictions du kriya tantra, y compris Trisamayavyuha, les initiations et les bénédictions du charya tantra, y compris Vajrapani, les initiations et les bénédictions du yoga tantra, y compris Vajra Dhatveshvari, les initiations et les bénédictions du yoga tantra incomparable, y compris Kalachakra, et en particulier les initiations et les bénédictions du neuvième yana tel que la Force de la conscience. En bref, il m’a donné les initiations, les instructions et les transmissions des traditions anciennes et nouvelles. J’ai reçu, en particulier, de nombreuses instructions de ce qui est connu comme les Neuf cycles profonds des Sa Kagyu, Joshal, Dakpo, Shangpa, Dzogchen, etc. Je le considérais comme étant suprême comme objet d’accumulation et de purification ; et jour et nuit, chaque fois que je m’en souvenais et sans manquer un jour, je prenais les quatre initiations grâce au yoga vajra. Puis, le bodhisattva de la 8e terre et grand seigneur connu comme Tashi Eusser m’a accordé sa bonté, depuis le Vinaya jusqu’au Glorieux Samaja. J’ai pris sa libération et son comportement comme divinité de yidam, et j’ai prié afin de faire des accumulations et de me purifier autant que possible par la vue et la conduite qui suit ces méthodes.
Sa Sainteté précise un peu cette citation. Il explique que Mikyeu Dorjé ne manquait jamais un jour d’enseignements ; il ne se considérait jamais comme l’égal de son gourou ni son gourou comme étant un individu ordinaire. Même quand il allait se coucher le soir, il pensait aux enseignements de son gourou. Le matin, il offrait un mandala et la prière à sept branches, visualisait son gourou comme Vajrasattva et recevait les initiations. « Il n’allait pas juste s’asseoir comme nous le faisons aujourd’hui quand nous recevons des enseignements du dharma », commente Sa Sainteté. Mikyeu Dorjé veillait à ne jamais être séparé de la bodhicitta. Il pensait toujours à apporter des bienfaits à des êtres innombrables et prenait ceci très à cœur. Pendant les enseignements du dharma, il écoutait avec assiduité afin de retenir les mots ; pendant la contemplation, il travaillait avec diligence pour s’assurer du sens ; et pendant la méditation, il développait l’expérience. Son intérêt et son aspiration étaient réellement très forts. Quoi qu’il arrive, il ne supportait pas d’être séparé de son gourou. Mikyeu Dorjé soigna Sangyé Nyènpa alors qu’il souffrait d’une maladie qui l’empêchait de marcher. Bien qu’il soit jeune, il servit son gourou et fit tout son possible.
Sa Sainteté explique combien Sangyé Nyènpa se réjouissait des accomplissements de Mikyeu Dorjé. Le Gyalwang Karmapa rappelle ce que Sangyé Nyènpa a dit : « Karmapa, vos actes sont parfaitement en accord avec le dharma. Le dharma qu’on m’a donné est transmis depuis les grands ancêtres Kagyu et apportera de grands bienfaits aux êtres. Aussi, continuez comme vous le faites maintenant dans votre comportement, vos actes et votre exemple. »
Parce que son gourou authentique était satisfait, toutes les bénédictions du corps, de la parole et de l’esprit ont été transférées dans leur intégralité. Ceci est courant dans la lignée, depuis Tilopa qui enseigna à Naropa puis Marpa à Milarépa. Si une profonde dévotion a pu prendre racine en Mikyeu Dorjé, c’est parce qu’il voyait véritablement le gourou comme le Bouddha. Comme Mikyeu Dorjé considérait Sangyé Nyènpa comme son gourou, il était capable de voir les autres comme plus importants que lui. Il développa foi en le gourou et dégoût pour le samsara.
Ceci est aussi un extrait de son autobiographie :
Le courant de conscience de quelqu’un comme moi n’est pas acceptable, et je passe mon temps avec des vues fausses sur le dharma et les individus. Je ne vois aucune qualité ; mais, grâce à la diligence et la sagesse de la vision qui permet d’analyser les textes, grâce à la compréhension que cette vie n’a pas de sens, j’ai eu un peu de renoncement et souhaité être dans un endroit isolé et ne pas travailler pour cette vie. Le peu de compréhension sur le fait que les êtres ont été mes parents, je l’ai obtenu seulement grâce au pouvoir de compassion de mon gourou, le grand Jetsun. Quand je vois sa capacité à dompter les gens à l’esprit erroné – comme moi-même -, je ne peux expliquer combien il apparaît appartenir à la sphère de ceux qui sont très fortunés. Pour cette raison, de nos jours la plupart des gens ne reconnaissent pas les qualités comme étant des qualités, et mettent leurs espoirs en de fausses qualités.
Sa Sainteté résume ce passage pour l’éclairer. Même si Mikyeu Dorjé se voyait comme ayant un caractère indiscipliné et des vues rigides, grâce au gourou authentique, il fut capable d’obtenir la compréhension et un renoncement inspiré ; ceci n’est arrivé que par la bonté du gourou. Quand Mikyeu Dorjé voyait sa capacité à dompter l’esprit des êtres dans l’erreur, il comprenait que la vie de Sangyé Nyènpa était l’exemple essentiel des activités du dharma. En outre, en raison de la bonté de son gourou authentique, Mikyeu Dorjé est devenu un grand être et un authentique gourou lui-même, dont le nom est unanime chez tous les Dakpo Kagyu.