Enseignements du printemps du 17e Gyalwang Karmapa
à l’occasion de l’Arya Kshéma
La vie du 8e Karmapa Mikyeu Dorjé
7e Arya Kshéma
24 février 2021
Après une pause de deux jours, Sa Sainteté le 17e Gyalwang Karmapa reprend son enseignement sur la vie et les activités extraordinaires du 8e Karmapa, Mikyeu Dorjé. Poursuivant le thème de ‘suivre les gourous’, il commence avec la troisième strophe de la Louange « Il chercha avec soin … » :
Quand il se rendit compte que tous les souhaits pour ici et l’éternité
Viennent du détenteur de tout, l’ami spirituel,
Une aspiration irréversible gonfla jusqu’à la perfection.
Sa dévotion devint transcendante – à lui, j’adresse ma prière.
Le commentaire de Shamar Keunchok Yènlak note que cette strophe traite de ‘comment il a suivi le gourou’. Le point essentiel est que l’ami spirituel offre le fondement de tout le chemin spirituel. Suivre un gourou authentique est la force de vie pour nous tous qui embrassons le dharma, et Mikyeu Dorjé donne l’exemple de cette sagesse. Comme l’a mentionné Sa Sainteté l’autre jour, le 8e Karmapa a eu quatre enseignants principaux, y compris Sangyé Nyènpa pour qui il avait une grande dévotion. Quand Sangyé Nyènpa décéda, Mikyeu Dorjé lui fit ériger une statue mémorielle, qui fut par la suite apportée à Tsourpou et qu’on appelait ‘la statue de l’espace’. Habituellement, quand les restes de quelqu’un sont emportés dans les charniers, on récite le Gourou Yoga en quatre sessions de Mikyeu Dorjé. A ce moment-là, cette statue est apportée à la cérémonie puis ramenée au monastère. C’est donc une statue très sacrée.
Parmi les quatre enseignants de Mikyeu Dorjé, Gyaltsap Tashi Namgyal n’est pas mentionné comme étant l’un d’eux, mais – comme nous l’avons vu – il se montra aussi très bon envers le 8e Karmapa. Il reconnut et intronisa Mikyeu Dorjé, lui donna les vœux de jeûne du mahayana et les premiers vœux d’entrée dans la vie monastique. Il fut le premier de tous les lamas que Mikyeu Dorjé suivit dans sa vie.
Le Karmapa montre des portraits des enseignants de Mikyeu Dorjé et donne leurs dates. Il commence avec une représentation de Gyaltsap Tashi Namgyal qui vient d’une vieille thangka conservée au labrang de Gyaltsap Rinpoché et fut probablement peinte à l’époque du 6e Gyaltsap Rinpoché. Gyaltsap Tashi Namgyal vécut de 1487 à 1515, seulement 29 ans. Sa Sainteté remarque que ses cheveux longs indiquent qu’il n’avait « pas la meilleure conduite ». Puis il montre des représentations des autres lamas de Mikyeu Dorjé, les quatre officiels. L’image de Sangyé Nyènpa Rinpoché vient de la Guirlande d’or des Kagyu. Il semble que Nyènpa Rinpoché soit né aux alentours de 1457 et il vécut jusqu’en 1525. Puis vient Dulmo Tashi Eusser, dont les dates sont difficiles à trouver. Sa Sainteté montre une statue qui donne une idée de à quoi il ressemblait. Khènchèn Cheudroup Sèngué (1451-1530), son troisième enseignant, donna à Mikyeu Dorjé l’ordination complète. Sa Sainteté conclut sa présentation en images avec le quatrième enseignant de Mikyeu Dorjé, Karma Trinleypa (1456-1531), dont l’image sera présentée dans le prochain enseignement.
Dulmo Tashi Eusser
Les biographies de Gyaltsap Tashi Namgyal et de Sangyé Nyènpa ont été présentées dans l’enseignement précédent. Sa Sainteté consacre donc le reste de cette session à la présentation des trois autres enseignants de Mikyeu Dorjé, en commençant par Dulmo Tashi Eusser.
C’était un disciple direct du 7e Karmapa, Cheudrak Gyatso, et il était très vénéré partout dans l’Ü Tsang et le Kham car il préservait la pureté de ses vœux. Il étudia d’abord à Gandèn, un monastère guéloukpa, où il fut très bien formé sur les soutras et tantras, avant de devenir un étudiant du 7e Karmapa. Il naquit à Driteu, près de Youshou et il était le fils du seigneur de Dulmo (à l’origine Dumo). Nous ne connaissons pas l’année de sa naissance, et il ne fait pas l’objet d’un namthar séparé. Sa vie apparaît dans la Guirlande d’or des biographies Kagyu et dans le Festin des érudits. Il rencontra le 7e Karmapa quand il était jeune et reçut le nom de Tashi Eusser ainsi qu’une transmission du mantra de Mani. C’est Cheudroup Sangpo qui lui conféra l’ordination complète dans la tradition des vœux de Khènchèn Shakya Shri, ainsi que l’initiation de Chakrasamvara.
En rentrant au Kham, il prit la route du sud et rencontra Cheudrak Gyatso à la montagne Namteu à Kongpo. En recevant les bénédictions du Karmapa, il ressentit une foi irrépressible et abandonna l’idée de rentrer dans son pays natal. Tashi Eusser resta avec Cheudrak Gyatso et reçut les instructions sur le mahamoudra, les Six yogas de Naropa, Montrer les trois kayas, et beaucoup d’autres textes. Cheudrak Gyatso lui donna son propre commentaire incomplet du Soutra de la prajnaparamita. Ayant reçu une bonne éducation avec le 7e Karmapa, Tashi Eusser se rendit au Tibet central et obtint une certaine renommée pour les débats publics et les discussions. Il reçut de Sitou Tashi Paljor les cinq séries des cinq divinités de Dusoum Khyènpa et les cycles de Bernakchèn. En outre, il pratiqua avec diligence dans des retraites de montagne.
Concernant les cinq séries des cinq divinités, Sa Sainteté insiste sur le fait que c’est quelque chose que nous devons vraiment bien connaître. Il a mentionné l’autre jour qu’une des activités majeures de Dusoum Khyènpa fut la fondation des trois sièges principaux des Karma Kagyu ; une autre contribution fut les cinq séries des cinq divinités. Que sont-elles ? Les cinq divinités de Vajravarahi, les cinq divinités de Chakrasamvara, les cinq divinités de Hévajra, les cinq divinités de Hayagriva et les cinq divinités de Tara. Nous devrions être capables de les nommer si on nous le demande, ou bien on sera gêné !
Plus tard, Tashi Eusser alla à Surmang, à Ga, à Dènma, à Drichou Lhogyu et à Kyapdu, où il accomplit de grandes activités. Il donna des instructions sur les Principes intérieurs profonds et d’autres enseignements de la lignée. Il transmit tout ce qu’il avait appris de Cheudrak Gyatso, comme s’il transvasait tout d’un vase dans un autre. Mikyeu Dorjé le traitait avec le même respect qu’il traitait Sangyé Nyènpa.
Comment Tashi Eusser a-t-il rencontré Mikyeu Dorjé ? Quand le 8e Karmapa avait huit ans, il se trouvait dans la région de Youshou. Sangyé Nyènpa et Tashi Eusser se rendirent ensemble au Grand Campement et c’est là qu’il rencontra Mikyeu Dorjé. Le 8e Karmapa ressentit une grande dévotion pour tous les deux et pensa qu’il serait merveilleux d’étudier avec Tashi Eusser. Sous sa guidance, le 8e Karmapa étudia toutes les instructions essentielles, du Vinaya jusqu’aux Yoga tantras les plus élevés, ainsi que la poésie et la grammaire.
Voici ce qu’écrivit Mikyeu Dorjé sur son enseignant :
Par le pouvoir de l’exemple et des bénédictions de ce maître, j’étais fasciné par les trois corbeilles, les soutras, les tantras et leurs commentaires ; les domaines de connaissance majeurs et mineurs qui les déterminent ; et même la terminologie la plus subtile. Je me suis intéressé aux histoires de libération du Bhagavan Bouddha, des bodhisattvas et de leurs étudiants. J’ai éprouvé la joie de l’émerveillement devant les actes du roi du dharma, des ministres, des traducteurs et des panditas, et une dévotion insoutenable pour les gourous racine et de la lignée. L’armure de la diligence pour maintenir, préserver et répandre les enseignements, la conclusion de la pratique pour avoir pris soin de ceux qui cherchent la libération, les méthodes qui vont dompter les êtres d’un âge dégénéré, l’œil mental libre de confusion sur ce qu’il faut faire et ce qu’il faut abandonner, en bref, mon grand appétit pour l’essence du nectar des enseignements sont les bénédictions de ce gourou qui a pris soin de moi.
Au fond, sa compréhension du dharma venait de la bonté de son gourou. En particulier, Mikyeu Dorjé admirait la compassion insoutenable que Tashi Eusser éprouvait pour ceux qui souffraient. Il pensait que le Noble Avalokiteshvara devait être juste comme son gourou, et ceci ne faisait qu’augmenter sa foi en lui. Tashi Eusser, pour sa part, était enchanté de son étudiant : ses intentions pures, sa sagesse et sa diligence. Il prédit que Mikyeu Dorjé deviendrait un maître omniscient et un érudit du Pays des neiges, alors que le 8e Karmapa était encore très jeune à l’époque.
En fait, Mikyeu Dorjé n’étudia avec Tashi Eusser que pendant une courte période de moins de trois ans. Mais son influence perdura tout au long de la vie du Karmapa. A cause de l’influence de Tashi Eusser, Mikyeu Dorjé étudia pendant 12 ans sans défaillance. Il se rendit compte que s’il mangeait trop, il avait beaucoup de flegme, ce qui le rendait somnolent ; aussi mangeait-il très peu. Il poursuivit avec une diligence constante et enthousiaste, ce qui était du à l’influence et aux bénédictions de Tashi Eusser. Une grande foi jaillissait quand Mikyeu Dorjé pensait à Tashi Eusser, et ceux qui étaient près de lui pouvaient sentir la chaleur de sa dévotion.
Mikyeu Dorjé écrivit une histoire de libération de Sangyé Nyènpa, l’Essence sans artifice du Dharmakaya, dans laquelle il dit ceci de Tashi Eusser :
J’ai rencontré le gourou Dulmo Eusser – dont le nom vient de sa caste -, et il a nourri la toute petite once de vertu déjà présente en moi, en m’accordant la bonté de la compréhension des étapes complètes du chemin des enseignements du Bouddha. Je ne pourrai pas rendre la bonté de cet être, mon corps devrait-il être pulvérisé en 1000 morceaux.
Grâce àTashi Eusser, la foi de Mikyeu Dorjé en le dharma se renforça, et le Karmapa avait pleinement compris les quatre écoles philosophiques.
Khènchèn Cheudroup Sèngué
Puis le Karmapa commence un résumé de la vie de Khènchèn Cheudroup Sèngué, qui conféra à Mikyeu Dorjé l’ordination complète et lui donna de nombreux enseignements. Cheudroup Sèngué avait étudié les textes Kagyu mais il n’appartenait pas lui-même à la lignée. Autrefois, beaucoup de grands lamas étudiaient avec des enseignants de toutes les lignées, et on les saluait pour leur connaissance très large. Ce n’est que plus tard que les pratiquants se sont mis à se limiter à l’étude exclusive des textes d’une lignée.
Cheudroup Sèngué naquit en 1451, à Yérou Silma dans la région de Tsang et il débuta l’étude du dharma à l’âge de 5 ans. A l’âge de 8 ans, il maîtrisait les tantras d’Hayagriva et de Vairochana Sarvavid et distribuait des cordons de protection à la communauté. A l’âge de 14 ans, il prit les vœux de novice avec Rabjor Sèngué et reçut l’initiation de Hévajra. Après sa pleine ordination, il adopta les préceptes avec une telle ardeur que s’il commettait un manquement, il se confessait toujours le jour même. On dit qu’il chérissait les préceptes comme ses propres yeux. Cheudroup Sèngué étudia avec le célèbre Tangtong Gyalpo, et à l’âge de 20 ans, il alla au monastère de Paldèn Sangpour, qui avait le premier shédra du Tibet (c’était comme Nalanda). Il prit les trois vœux, adopta l’entraînement de l’esprit et participa aux débats, ce qu’il n’aimait pas car il ne voulait pas être célèbre.
A l’époque, il y avait quatre monastères principaux où les étudiants pouvaient pratiquer le vinaya, et Cheudroup Sèngué se rendit dans chacun d’eux mais, les pratiques y avaient déjà décliné. Cependant, le responsable de Pakdrou, Kunga Lèkpa, invita 100 000 moines à l’un des quatre monastères du vinaya et ils y accomplirent une retraite de la saison des pluies. Cheudroup Sèngué y fit un discours qui fut très bien reçu. Après cela, une guerre éclata, et c’est dans la détresse qu’il sentit qu’il devait s’engager dans la pratique de la méditation.
Il reçut les instructions sur les six applications de Seunam Sèngué, ainsi que les textes et la base logique de la vue shèngtong. Ce khènpo demanda probablement à Mikyeu Dorjé d’enseigner l’Ornement de la réalisation claire dans la perspective de l’école shèngtong. Cheudroup Sèngué dit que, avant sa rencontre avec le shèngtong, il lisait les textes comme s’il avait « les yeux fermés la nuit ». Mais après cela, c’était comme s’il avait « les yeux ouverts en plein jour ».
Cheudroup Sèngué voulait entreprendre une retraite dans un lieu solitaire, mais il avait reçu l’initiation de Vaishravana à la Lance rouge de Khènchèn Cheukyi Wangchouk, qui lui avait demandé de superviser le monastère de Tsokdé Guèndun Gang. Il débuta comme maître de discipline, puis finalement il devint l’abbé du monastère et y passa le reste de sa vie en tant que chef spirituel et politique.
Comment Cheudroup Sèngué menait-il son activité ? Quand il avait 25 ans et était l’abbé de Guèndun Gang, il écrivit un texte complémentaire sur le Soutra de la Prajnaparamita. En 1506, il reçut la totalité des tantras Nyingma et établit de nombreuses connexions du dharma. Il se rendit à Kongpo et conféra à Mikyeu Dorjé l’ordination complète. Mikyeu Dorjé souhaitait qu’il reste mais il rentra au Tibet central, avec un arrêt au monastère de Drikoung en chemin. De nombreux étudiants vinrent le voir mais il fit la prédiction qu’il n’allait pas vivre beaucoup plus longtemps. En 1530, à l’âge de 80 ans, il annonça qu’il allait mourir. Quand ses étudiants protestèrent, il leur dit : « Ne soyez pas attaché. Vous n’êtes jamais séparé de moi. » Sans montrer la moindre maladie, il s’assit dans la posture en sept points de Vairochana et mourut. Sa Sainteté dit que c’est miraculeux, et il ajoute en plaisantant que nous n’arrivons même pas à nous asseoir dans la posture en sept points quand nous sommes en vie !
Sa Sainteté conclut sa présentation sur Khènchèn Cheudroup Sèngué en expliquant pourquoi c’est lui qui donna la pleine ordination à Mikyeu Dorjé. Comme mentionné précédemment, Sangyé Nyènpa avait mal à un pied. Un jour il dit à Mikyeu Dorjé : « A cause de mon pied, j’avais pensé que je devrais faire des offrandes à Shamar Cheukyi Drakpa (aussi connu sous le nom de Shamar Chènnga Cheudrak) ». Mais comme il avait craint que le 7e Karmapa en soit offensé, il ne donna pas ces offrandes au 4e Shamar Rinpoché, et son pied continua à lui faire mal. Suite à ceci, Sangyé Nyènpa pensa que Shamar Rinpoché devrait donner l’initiation à Mikyeu Dorjé mais, à cause de l’opposition du Campement et du fait que Shamar Rinpoché décéda peu après, cela ne se fit pas.
Alors qui devrait donner les vœux à Mikyeu Dorjé ? On conseilla à Mikyeu Dorjé de prendre l’ordination avec Khènchèn Cheudroup Sèngué à cause d’une connexion interdépendante auspicieuse. Quand le 7e Karmapa était venu à Guèndun Gang, il y avait eu une procession dorée pour le recevoir. Chaque personne tenait une offrande différente ; Cheudroup Sèngué tenait un magnifique mandala d’or où étaient empilés des joyaux de toutes les couleurs. Il avait pu faire son offrande et reçut en cadeau du 7e Karmapa une très jolie robe monastique. Cheudroup Sèngué fit l’aspiration de faire naître en lui la bodhicitta ; Cheudrak Gyatso le regarda et lui sourit. Ainsi Cheudroup Sèngué eut le sentiment que la base avait été établie pour donner la pleine ordination à Mikyeu Dorjé.
Il nous faut savoir que, depuis l’époque du 3e Karmapa, Rangjoung Dorjé, tous les Karmapas avaient pris les vœux au monastère de Guèndun Gang. Ils avaient une forte connexion parce que c’est là que chacun des 16 arhats leur était apparu. En fait, on disait que Cheudroup Sèngué lui-même était l’émanation d’un arhat. Guèndun Gang était considéré comme l’un des monastères les plus importants et donc les Karmapas y recevaient la lignée des vœux.
Cependant, pour cette ordination, Mikyeu Dorjé écrivit à Cheudroup Sèngué et lui demanda de venir au Grand Campement afin de conférer les vœux. Le Khènpo répondit qu’il avait 79 ans et que le voyage du Tibet central à Kongpo prendrait sept mois. En raison de son âge et des difficultés que cela impliquait, il répondit : « Je ne peux pas venir ». Mais Mikyeu Dorjé envoya des gens pour le convaincre. Puisque le Karmapa insistait tellement, et à cause de sa profonde connexion avec Cheudrak Gyatso, Cheudroup Sèngué finit par accepter et arriva au Grand Campement. Après quelques jours de repos, il offrit à Mikyeu Dorjé les vœux de pleine ordination. Des arcs-en-ciel emplirent le ciel et une pluie de fleurs tomba. Il allait voir Mikyeu Dorjé tous les jours et ils discutaient des points délicats des soutras et tantras. C’est probablement aussi à cette époque qu’il introduisit le Karmapa à la vue shèngtong. Il lui donna également les initiations d’Amitayus et de Vaishravana à la Lance rouge.
Voici ce qu’écrivit Mikyeu Dorjé à propos de Cheudroup Sèngué dans le namthar de Sangyé Nyènpa :
A cette époque, je reçus les bénédictions car je servais le grand khènpo de Tsok Guèndun Gang, un individu émané par les grands siddhas de la tradition de l’omniscient Jonang, qui avait la certitude de passer de cette vie en la présence du roi du dharma à Shambala, le gourou précieux bouddha Cheudroup Sèngué et le grand être né comme Jé Karma Tré qui transcende les humains, un maître de yoga, un dieu victorieux sur toutes les directions et dont l’esprit a mûri grâce à la discipline et au samadhi.
Recevoir l’ordination de l’émanation d’un arhat était d’un indescriptible bienfait pour Mikyeu Dorjé. Il conserva des brins des cheveux de Cheudroup Sèngué, qui produisirent des reliques. Le khènpo lui-même se sentit béni d’avoir donné l’ordination au 8e Karmapa ; et en lui conférant l’initiation d’Amitayus, il contribua à assurer à Mikyeu Dorjé une longue vie et une vaste activité. Il loua avec enthousiasme l’intelligence et la compréhension du Karmapa, et eut le sentiment qu’après la mort, il rencontrerait son prédécesseur, Cheudrak Gyatso, à Shambala.
Karma Trinleypa
Puis Sa Sainteté présente la vie du dernier enseignant de Mikyeu Dorjé, Choklé Nampar Gyalway Lha, aussi connu sous le nom de Karma Trinleypa. Il naquit dans la famille d’un des plus grands seigneurs de Dakpo en 1456 et était le neveu d’un érudit Sakya. Il entra au collège médical de Sourkhar quand il était petit garçon, et étudia aussi les enseignements Nyingma sur Cheu. Il prit la pleine ordination à l’âge de 37 ans. Sangyé Pel lui donna les vœux de bodhisattva ainsi que les vœux du mandala et du mantra de Guhyasamaja. Il reçut les Six dharmas de Sukhasiddhi d’un enseignant qu’on appelait le second Milarépa, et Droupchèn Choupour l’introduisit au Mahamoudra en cinq points et à d’autres sujets. Il établit des connexions du dharma avec Lopeun Sangyé Gonpo, Guéshé Guèndun Lhundroup et d’autres lamas, de qui il reçut Vajrakilaya, le Chant vajra et d’autres textes. Il étudia le sanscrit, la grammaire tibétaine et d’autres domaines de connaissance ; il reçut nombre d’enseignements, d’instructions et d’initiations de beaucoup de grands érudits et méditants.
Quand il rencontra son gourou racine, Cheudrak Gyatso, il se rendit compte que le Karmapa n’était pas autre qu’un bouddha naturel et il le reconnut comme son maître. Leur connexion remontait à de nombreuses vies précédentes. Le 7e Karmapa dit à Karma Trinleypa que s’il soutenait la lignée Kagyu, il la lui transmettrait dans sa totalité. Karma Trinleypa accepta. Alors seulement le Karmapa lui donna les instructions sur les Six yogas de Naropa, ce qui prit cinq mois. A cette époque, il vivait dans une petite tente près du Campement ; il allait voir le Karmapa pour recevoir des instructions, puis il revenait et poursuivait sa retraite. Bientôt Karma Trinleypa montra les signes incroyables d’accomplissement qui sont expliqués dans le texte. Plus tard, il reçut des enseignements sur les Yogas co-émergents du mahamoudra, les Quatre dharmas, l’Ornement de la libération, le fait que rangtong et shèngtong ne sont pas contradictoires, etc. Il obtint les œuvres complètes de Rangjoung Dorjé et reçut des explications détaillées des Principes intérieurs profonds cinq fois. Beaucoup de grands maîtres – trop nombreux pour être cités – lui conférèrent nombre d’autres enseignements.
Au Tibet central, il se rendit à Cheukhor Lhunpo où il construisit une statue de 25 pieds de haut. Plus tard, Cheugyal Chapa offrit le monastère de Cheukhor Lhunpo avec toutes ses statues et ses 500 moines au 7e Karmapa, qui nomma Karma Trinleypa pour en être l’abbé. Parmi ses autres activités, Karma Trinleypa créa une usine dans la région de Meun qui produisait le meilleur papier pour l’impression des textes. A Teu Ra, il fonda un shédra dans la tradition Sakya.
Le titre ‘Karma Trinleypa’ indique un rang ; il reçut probablement ce nom quand il devint l’abbé du monastère de Cheukhor Lhunpo. Il y fit une statue reliquaire pour Goshri Paljor Deundroup qui avait la hauteur d’un étage. Il divisa les 500 moines en quatre groupes et supervisa le début de leur instruction ; les enseignements étaient prospères à cette époque. Karma Trinleypa passa aussi du temps en retraite à la montagne, mais comme les moines du Garchèn allaient à Lhassa, il les accompagna.
A Lhassa, Karma Trinleypa fut nommé lama au monastère de Karma Dratsang, qui existe toujours. Au monastère de Ramoché, il débuta l’enseignement du commentaire de la Prajnaparamita, la Lampe des trois mondes, par le 7e Karmapa. Il établit les fondations pour un nouveau monastère dans le quartier autour du temple du Jokhang, mais il y eut des complications. En effet, les monastères de Drépoung et de Séra sont dans le voisinage et un conflit vit le jour car certains pensaient que les Kagyupas essayaient de prendre le pouvoir. En réalité, le projet s’était développé à partir d’une vision pure du 7e Karmapa concernant les personnes laïques qui vivaient à proximité du Jokhang ; Karma Trinleypa construisit le monastère de Touptèn Cheukhor pour purifier le quartier. Une grande assemblée de la sangha qui pratiquait le vinaya en ce lieu serait auspicieux, mais le 7e Karmapa mourut peu de temps après la construction du monastère et celui-ci tomba en ruines. Karma Trinleypa fonda aussi un shédra qui s’appelait Karma Lèkshé Ling, essentiellement pour l’étude des soutras.
En 1527 il rencontra Mikyeu Dorjé et lui enseigna de nombreux aspects du dharma. Mikyeu Dorjé écrivit plus de dix prières de longue vie à son intention et avait le sentiment que Karma Trinleypa avait atteint le niveau du chemin de la jonction. Les œuvres complètes du Khènpo comptent plus de dix volumes et sont encore disponibles. Il mourut en 1539 à l’âge de 84 ans. À l’origine, il était Sakyapa mais, plus tard, il soutint la lignée Kagyu, et il avait beaucoup d’étudiants des deux lignées.
Sa Sainteté annonce que dans la prochaine session, il expliquerait comment Mikyeu Dorjé avait suivi Karma Trinleypa comme son gourou. Il remarque qu’il termine sept jours d’enseignement mais n’a commenté que trois ou quatre strophes et il se demande comment il va pouvoir étudier tout le texte. Son intention est d’enseigner les Actes bons et la Louange de façon exhaustive. Il se peut qu’il doive continuer l’an prochain, mais son plan est de les enseigner complètement cette année.
Le Gyalwang Karmapa termine sa présentation par quelques brèves remarques à propos de l’intendant de Tsourpou qui ne l’avait pas bien traité quand il était enfant. Beaucoup ont demandé : qui est-ce ? où est-il ? Si certains veulent essayer de le trouver pour lui rendre les choses difficiles, c’est mieux de ne pas y aller. Il est décédé. Le Karmapa avait seulement inclus cette histoire pour éclairer les problèmes et les difficultés rencontrés par Mikyeu Dorjé. « Je voulais juste ajouter quelque chose de ma propre vie … je n’ai pas l’idée qu’il m’a fait quelque chose et que je dois lui rendre. »
Sa Sainteté conclut son enseignement approfondi sur la vie de Mikyeu Dorjé, ses gourous extraordinaires, et la bonté exemplaire que tous les Karmapas – passé et présent – accordent sans cesse à leurs étudiants.