Jour 9 : Le 5e Karmapa, Déshin Shèkpa, et l’empereur Ming, Yonglé

Enseignements du printemps du 17e Gyalwang Karmapa
à l’occasion de l’Arya Kshéma

La vie du 8e Karmapa Mikyeu Dorjé

7e Arya Kshéma
26 février 2021

Sa Sainteté salue l’auditoire et souhaite chaleureusement la bienvenue à la communauté Kagyu Samyé Dzong de Lubumbashi qui s’est joint aux enseignements tous les jours depuis la République Démocratique du Congo. Sa Sainteté se réjouit de leur pratique du dharma et s’intéresse à leur communauté ; il note leur excellente prononciation du tibétain quand ils récitent les Vingt-et-une Louanges de Tara. Beaucoup de Tibétains qui, comme lui, ont vu leur vidéo en ligne ont fait l’éloge de leurs efforts et de leur pratique.

Kagyu Samyé Dzong Lubumbashi est affilié à Akong Rinpoché, dont le départ brutal en 2013 attrista Sa Sainteté et fut un terrible choc pour les étudiants d’Akong Rinpoché. Sa Sainteté raconte qu’il avait rencontré Akong Rinpoché avant son intronisation comme Karmapa et qu’il le connaissait bien depuis son enfance. Akong Rinpoché apportait de l’aide à de nombreuses personnes démunies et défavorisées et il soutenait plus de 300 écoles au Tibet. Sa Sainteté dit qu’il est de sa responsabilité de retrouver le tulkou de Rinpoché et qu’il fera de son mieux pour le trouver bientôt. Il renouvelle ses salutations à Kagyu Samyé Dzong Lubumbashi, leur donne l’assurance qu’il se réjouit de leur travail et, comme le français plutôt que l’anglais est une de leurs langues, il conclut par « Merci beaucoup » (en français). 

1ère partie : La racine de nos problèmes ne se trouve pas à l’extérieur de nous

Sa Sainteté lit la quatrième strophe de la Louange : « Il chercha avec soin … » :

Il réalisa dans son cœur – et pas seulement en paroles –

Combien la richesse et le renom en cette vie sont dénués de sens.

Il fut un exemple de non-attachement et d’absence de désir,

Et rejeta la futilité – à lui, j’adresse ma prière.

Selon le commentaire annoté du 5e Shamar, Keunchok Yènlak, cette strophe signifie que Mikyeu Dorjé n’était pas attaché à cette vie. Le 8e Karmapa comprit que toutes les bonnes choses des trois royaumes du samsara, telles que le bonheur et les amis, étaient inutiles et futiles. Ayant ceci à l’esprit, on ne recherche pas ni ne désire de telles choses. Sa Sainteté dit qu’il est au contraire vital de se contenter des ressources ordinaires que sont la nourriture et les vêtements. Il renvoie ensuite à l’enseignement de la veille sur le quatrième acte bon, qui a le même sens. 

Voici l’histoire d’une personne qui écoute des enseignements sur les ‘bonnes choses’. Pendant les enseignements, il est dit que la raison pour laquelle nous souffrons dans le samsara est parce que nous sommes abusé par toutes les bonnes choses qui s’y trouvent. Comme les bonnes choses du samsara sont en fait mauvaises, nous devrions nous en détacher. Mais la personne en question avait un ami qui s’appelait ‘Bonnes Choses’ (Sipay Phuntsok) ; alors quand il a entendu que toutes les ‘bonnes choses’ du samsara étaient mauvaises, il s’est mis à penser : « C’est mon copain ‘Bonnes Choses’ qui me cause des ennuis. » Il a confondu les ‘bonnes choses’ du samsara avec son ami ‘Bonnes Choses’. Aussi après l’enseignement, il est allé voir son ami ‘Bonnes Choses’ et l’a roué de coups ! Le copain se demandait ce qu’il se passait !

On peut bien sûr rire de cette histoire mais il y a un point qui est sérieux et que Sa Sainteté demande à son auditoire de prendre en compte. Comme cette personne qui croyait que les bonnes choses du samsara étaient extérieures à elle, nous avons aussi tendance à penser que tous nos problèmes et nos difficultés viennent de l’extérieur. Regarder vers l’extérieur est la même chose que chercher un gars qui s’appelle ‘Bonnes Choses’ et le rouer de coups, dit Sa Sainteté. On ne peut pas trouver la racine de nos problèmes à l’extérieur. Au lieu de cela, il nous faut regarder à l’intérieur de nous. Pour ce faire, nous avons besoin de l’œil de prajna. Tout comme nous avons besoin d’un miroir pour voir notre propre visage, nous avons besoin de l’œil de prajna pour voir nos défauts, les situations et les problèmes. 

2e partie : l’empereur Ming, Yonglé, invite le 5e Karmapa, Déshin Shèkpa, en Chine

Hier, Sa Sainteté a parlé de l’invitation de Mikyeu Dorjé à Jiang par le 13e roi de Jiang, Mu Ding. Mikyeu Dorjé fut aussi invité en Chine par l’empereur Ming, qui envoya un émissaire alors que le Karmapa n’avait que 14 ans. On parlera de cette histoire plus tard. Pour l’enseignement d’aujourd’hui, Sa Sainteté explique que Mikyeu Dorjé ne fut pas le premier Karmapa à être invité en Chine. Il souligne le précédent historique constitué par les invitations envoyées aux Karmapas par les empereurs Ming avant l’invitation au 8e Karmapa.

En examinant les histoires Karma Kamtsang, Sa Sainteté a étudié la relation du dharma établie entre le 3e empereur Ming, Yonglé, et le 5e Karmapa, Déshin Shèkpa. Un écrit de la dynastie Ming intitulé les Contes des quatre frères dit ceci : ‘quand il était jeune, Yonglé entendit parler d’un gourou Karmapa qui était incomparable et vivait dans l’Ü-Tsang’. Et donc, la première année de son règne, avec les encouragements de la reine, Yonglé envoya son ministre de l’Intérieur, l’eunuque tibétain Gœnpo Shérap, porter un décret pour inviter le Karmapa en Chine. 

Déshin Shèkpa naquit dans la région de Niandang (aujourd’hui : arrondissement de Gongbou Jiangda, Linzhi) l’année de Bois-Rat mâle (1384). Khènchèn Lodreu Gyaltsèn reconnut le jeune Déshin Shèkpa comme la réincarnation du précédent Karmapa, Rolpai Dorjé. Déshin Shèkpa prit les vœux de pleine ordination – probablement quand il avait environ 19 ans – avec Khènchèn Seunam Sangpo de Guèndun Gang dont on disait qu’il était une émanation de l’un des 16 arhats. Quand il prit ses vœux, il y avait, dit-on, plus de 80 moines dans l’assemblée. L’histoire tibétaine parle de cette ordination comme celle qui a rassemblé la sangha la plus large et la plus pure.

Parmi les nombreux enseignants de Déshin Shèkpa, on note : Khènchèn Seunam Sangpo, Kashipa Rinchèn Pal, Gui Goungpa Rinchèn Pal, Khènchèn Gyaltsèn Pal, Khènchèn Yeuntèn Lodreu et Gya Sangyé Wangchouk. Gui Goungpa Rinchèn Pal étudia dans le premier shédra tibétain, Sangpou, et parce qu’il avait réussi l’examen de débat sur quatre textes différents, on le connaissait comme kashipa (= maître de quatre textes ou traités). Le Karmapa invita ce kashipa au Campement et avec lui, il étudia les textes de façon approfondie. L’autre enseignant, Khènchèn Seunam Sangpo, écrivit des louanges pour Déshin Shèkpa et avait une grande foi en lui. Déshin Shèkpa mourut à l’âge de 32 ans l’année Mouton-femelle (1415) au palais du Potala à Lhassa ; ses œuvres complètes ne sont qu’un mince volume mais Sa Sainteté dit que ses œuvres sont très élégantes et écrites dans un style charmant. 

Dans le Festin des érudits de Pawo Tsouklag Trèngwa, le décret de Yonglé est présenté avec des mots d’invitation comme ceci :

J’ai entendu votre nom autrefois quand j’étais dans le nord, et j’ai pensé alors que je devrais vous inviter. Maintenant que j’ai accédé au trône en tant qu’empereur, j’aimerais apporter la paix dans le royaume, et cela fait longtemps que je pense qu’ensemble nous devrions apporter la bonne fortune à tout le monde … Vous êtes inséparable des intentions du Bouddha, aussi devriez-vous venir diffuser les enseignements en Chine afin de faire le bien du royaume. Également, ma mère et mon père sont décédés ; je pense que je devrais faire quelque chose pour les remercier de leur bonté mais je n’ai pas trouvé comment. Comme vous êtes habile dans les moyens et l’activité, veuillez accomplir des rituels pour le bien des défunts. Veuillez venir promptement. 

Le Karmapa arriva dans la capitale chinoise, Nanjing, cinq ans plus tard, le 12e mois lunaire, quand il avait 22 ans. L’empereur Ming appela le 5e Karmapa Rúlái Dà Bǎo Fǎwáng, ce qui donne en tibétain : Déshin Shèkpa Rinpoché Cheukyi Gyalpo, le nom sous lequel est connu le 5e Karmapa aujourd’hui (en français, son nom signifie ‘Précieux Roi du Dharma’). La diapositive de Sa Sainteté montre une vieille peinture de l’empereur Ming portant une robe jaune-dorée resplendissante et une calotte noire, ainsi qu’une image moderne en 3D du visage de l’empereur. Probablement plus de 20 000 mots ont été écrits pour consigner la rencontre entre l’empereur Ming, Yonglé, et le 5e Karmapa, Déshin Shèkpa, ce qui fait de lui le lama tibétain dont on a le plus parlé dans les annales historiques chinoises. 

3e partie : Yonglé accueille le 5e Karmapa, Déshin Shèkpa

Contre l’avis de ses ministres, l’empereur Ming, Yonglé, reçut le Karmapa en personne lors de son arrivée à Nanjing, les mains jointes et avec grand respect. Des milliers de moines et de laïques s’étaient rassemblés pour assister à l’événement ; on avait préparé des festins élaborés, et des cadeaux dont 10 000 ‘sang’ d’or, 2000 ‘sang’ d’argent, des objets rituels furent offerts dans la salle des audiences Huakai. On dit que des signes incroyables se produisirent. Cette rencontre entre le chef politique plus âgé et expérimenté et le chef religieux plus jeune eut un impact certain ; 200 ans plus tard, un pèlerin chinois mentionna l’événement dans un de ses écrits en disant que même des siècles plus tard les gens se souvenaient encore de la rencontre entre Yonglé et Déshin Shèkpa. Le Fabuleux Décret ‘Tathagata Précieux Roi du Dharma’, Grand Maitreya de l’Ouest, Paisible Seigneur Bouddha, et Maître de tous les Enseignements bouddhistes sur terre, ainsi furent relatés les événements de la visite de Déshin Shèkpa à Nanjing. Des miracles comme des pluies de fleurs se produisirent. 

Le 18e jour du 2e mois, Déshin Shèkpa accomplit un rituel de purification pour les défunts parents de l’empereur, et pour les soldats morts à la guerre qui permit d’établir la dynastie Ming. Ceci et d’autres grands rituels eurent lieu au temple de Linggou où résidait Déshin Shèkpa pendant son séjour dans la capitale. Comme l’empereur Ming avait offert le temple de Linggou à Déshin Shèkpa, le temple devint un monastère Karma Kagyu pendant quelque temps. Le Fabuleux Décret est maintenant conservé à la Bibliothèque de la Région Autonome du Tibet. Sa Sainteté, avec l’aide de son maître de peinture de Taïwan, a reproduit une partie du texte et une peinture, et ces documents ont été montrés à l’auditoire aujourd’hui ; Sa Sainteté a réalisé la calligraphie tibétaine et son maître de peinture a écrit le texte chinois. 

4e partie : La force de la relation du dharma entre Yonglé et Déshin Shèkpa

En plus d’avoir donné au 5e Karmapa le titre de « Maître de tous les enseignements du Bouddha sur terre, doté de sagesse excellente, qui a atteint l’illumination et est victorieux dans les dix directions avec des actes parfaits », Yonglé lui fit aussi don d’un décret et d’un précieux sceau de jade, maintenant dans un musée de la Région Autonome du Tibet. Sa Sainteté explique que le jade est une pierre précieuse plus prisé que l’or ou l’argent et que les Tibétains généralement apprécient beaucoup. Certains ministres trouvèrent ces événements auspicieux, alors que d’autres restaient sceptiques. Un visiteur déclara que Déshin Shèkpa ressemblait à une personne ordinaire qui aimait manger de l’agneau, et qu’il trompait tout le monde avec ses chimères. L’empereur, cependant, avait de plus en plus de foi en Déshin Shèkpa. Vingt lettres écrites par Yonglé à Déshin Shèkpa existent toujours et révèlent la profondeur de leur connexion de gourou à étudiant. 

Désireux de laisser derrière lui l’agitation de la capitale, Déshin Shèkpa se rendit au temple de Xiantong sur la montagne Wutai, le 13e jour du 3e mois. Même si l’empereur souhaitait qu’il reste au monastère de Linggou, il mit à disposition de Déshin Shèkpa un véhicule pour l’emmener à Wutai et donna des instructions à un eunuque pour qu’il prépare le temple, qui serait la résidence de Déshin Shèkpa pendant son séjour à Wutai. Dans le « Supplément des grands maîtres bouddhistes », il est noté que le 5e Karmapa était enclin à la solitude et n’aimait pas les distractions. Sa Sainteté montre une photo du monastère de Xiantong de nos jours.  

Le 17e jour du 4e mois étant l’anniversaire de l’empereur, Déshin Shèkpa lui envoya des reliques du Bouddha et des arhats. Pour l’anniversaire du Karmapa, le 18e jour du 5e mois, l’empereur écrivit un quatrain qui comprend ce vers : « Quand Déshin Shèkpa arriva dans le monde, tout fut rempli d’une lumière comme celle du soleil. » L’empereur écrivit aussi des lettres qui évoquent des cérémonies qui s’étaient  déroulées au monastère de Linggou, ce qui montre que l’empereur continuait de penser au Karmapa avec respect et affection. 

Comme il a été dit, l’empereur Ming, Yonglé, et sa reine avaient une grande foi en le dharma. Sa Sainteté raconte que, quand la reine mourut, l’empereur écrivit à Déshin Shèkpa pour lui demander d’accomplir les rites funéraires. La reine avait, une fois, fait un rêve dans lequel Chènrézi écrivait un soutra. Au réveil, la reine avait noté le soutra et l’avait montré à Déshin Shèkpa afin de confirmer son authenticité. Après la mort de la reine, l’empereur fit imprimer de nombreuses copies du soutra que la reine avait vu dans son rêve. De même, l’empereur avait un exemplaire du Kangyour imprimé à l’aide de planches de bois et ramené en Chine, qui devint connu comme le Kangyour de Yonglé/Collection des paroles du Bouddha. Les érudits disent que c’était la première impression du Kangyour au Tibet, et ceci est arrivé grâce aux efforts de l’empereur Ming et de Déshin Shèkpa.

Le Karmapa finit par demander à rentrer au Tibet. L’empereur suggéra que lui et Déshin Shèkpa forment une alliance semblable à celle des Sakya et des Mongols, qui avaient précédemment pris le Tibet par la force. Déshin Shèkpa n’était pas à l’aise  avec la suggestion de faire la guerre, et il conseilla à l’empereur de pratiquer le dharma conformément au dharma. Yonglé suggéra aussi d’unifier toutes les lignées bouddhistes tibétaines en une seule, parce que la multiplicité des lignées pouvaient mener au conflit. L’empereur offrit d’envoyer ses soldats au Tibet pour soutenir Déshin Shèkpa, afin que les Tibétains soient forcés de le suivre et Déshin Shèkpa pourrait alors fondre toutes les lignées en une seule. Yonglé pensait qu’elles pourraient être gouvernées depuis deux sièges au Tibet, un à l’est et un à l’ouest. Tous les ans, il pourrait y avoir un grand rassemblement et un grand festival du dharma. 

Déshin Shèkpa rejeta aussi cette idée en expliquant qu’une seule lignée du dharma ne réussirait pas à dompter tous les êtres. Les différentes lignées sont l’expression de la grande compassion du Bouddha, et elles sont nécessaires en raison de nos capacités et intérêts différents. Déshin Shèkpa poursuivit en disant qu’il n’y a aucune raison d’unifier toutes les lignées en une seule car si chacun pratique sa propre lignée correctement, c’est très bien. Il recommanda à Yonglé d’attribuer des rangs et des titres et de faire des cadeaux à tous les personnages importants et grands lamas du Tibet car ceci serait, en définitive, bénéfique à tout le monde dans la région. 

L’empereur Ming envoya des cadeaux à Déshin Shèkpa après son retour au Tibet, et Déshin Shèkpa continua de conseiller Yonglé. Déshin Shèkpa avait une grande bonté et n’était pas attaché au renom ni au pouvoir. Il était très connu dans tout le Tibet à l’époque, avait grande foi en le dharma et ne recherchait ni le profit ni la célébrité. Son intention était d’apporter le bonheur et la paix à tout le monde.

Sa Sainteté promet de continuer de parler de Déshin Shèkpa pendant la session suivante. 

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