Enseignements du printemps du 17e Gyalwang Karmapa
à l’occasion de l’Arya Kshéma
La vie du 8e Karmapa Mikyeu Dorjé
7e Arya Kshéma
4 mars 2021
Pour commencer, le Gyalwang Karmapa nous donne des nouvelles de l’apparition de 19 cas de Covid au monastère Guélouk de Gyuto, près de Dharamsala, sa résidence en Inde pendant 18 ans. Il parle de la grande bonté que lui ont témoigné, à lui et son labrang, les moines et le personnel du monastère pendant tout ce temps. Ils sont irréprochables quant au soutien et à la co-opération qu’ils lui ont montrés, à lui et son personnel.
Contrairement à ce que beaucoup pensaient, il s’était senti chez lui au monastère de Gyuto Ramoché, où il avait séjourné sans difficulté. Nombre des moines plus âgés avaient fui le Tibet en passant par le Bhoutan et ressentaient une connexion. Alors qu’il était encore au Tibet, le Karmapa avait vu Gyuto en rêve, et il avait visité le monastère de Ramoché à Lhassa peu de temps avant de partir pour l’Inde. Ceci l’a amené à croire qu’il y avait eu une certaine raison pour qu’il passe tant d’années à Gyuto.
Il demande à tout le monde de prier pour que l’épidémie disparaisse au monastère, et il met en garde sur le fait que cette situation s’est développée parce que les gens font moins attention aux précautions après un long confinement.
Jé Tsongkhapa et la tradition Kagyu
Sa Sainteté explique que Gyuto et Gyumé sont les deux grands monastères tantriques ; ils revêtent une grande importance pour les enseignements bouddhistes en général et, en particulier, pour les enseignements tantriques de Jé Tsongkhapa, qui sont basés sur les trois tantras rapportés d’Inde au Tibet par Lhodrak Marpa Lotsawa. Dans la tradition guélouk, les trois yidams principaux sont Guhyasamaja, Chakrasamvara et Vajrabhairava. Comme Jé Tsongkhapa considérait Guhyasamaja comme le plus important, ce tantra est considéré comme la quintessence des tantras guélouk.
Le namthar de Tsongkhapa par Jamyang Cheujé dit ceci :
Sur un trône constellé de nombreux joyaux
se tient l’omniscient Buton Rinchèn Droum
qui lui donna le tantra racine de Guhyasamaja
et dit : « Sois-en le maître. »
J’adresse ma prière au glorieux gourou.
Il lui donna le volume, et avec un mantra et un moudra,
le bénit au sommet de la tête.
Il réalisa que les points sur ‘mélanger’ et ‘powa’ de Lhodrak Marpa
sont le tantra et les instructions essentielles du Noble.
J’adresse ma prière au glorieux gourou.
Ceci montre comment Jé Tsongkhapa développa la certitude que les instructions de Marpa sur ‘mélanger’ et ‘powa’ sont le véritable sens du tantra et des instructions essentielles de Nagarjouna et ses disciples.
Comme l’a dit Drukpa Kunley : « Les Guéloukpas ont les tantras que Marpa a ramenés d’Inde … et ils pratiquent et méditent sur le chemin de l’union des phases de création et d’achèvement. Ils ont le point concernant ‘prana’ et l’esprit qui entrent dans le canal central, la pratique sans erreur de l’école guélouk. »
Le propre disciple de Jé Tsongkhapa, Chènnga Seunam Gyaltsèn de la lignée Pakdrou Kagyu, dit dans Questions et réponses : un collier de Vaidurya que Jé Tsongkhapa n’a jamais réfuté les principes Kagyu. Il dit aussi qu’il était avéré qu’on les trouve dans sa propre tradition. Pour ce qui est de la vue, en général, Jé Tsongkhapa soutenait la vue des Prāsaṅgika(les conséquentialistes) et en particulier les enseignements de Chandrakirti. Il déclara que le Seigneur Marpa était aussi un Prāsaṅgika, comme le montre ce chant de Marpa :
Sur les rives du Gange à l’est,
grâce à la bonté du grand gourou Maitripa,
j’ai réalisé la base, le dharmata non manifesté
l’esprit lumineux dans la vacuité.
Son argument était que Maitripa avait enseigné le dharmata non manifesté au Seigneur Marpa et c’est le sens du tantra de Chakrasamvara. Un autre disciple de Jé Tsongkhapa, Lhènchik Kyépai Dorjé, dit qu’il n’y avait pas de plus grand maître vajra que Marpa.
Le Prasangika se divise en deux traditions : l’une présente tous les phénomènes comme simplement existants et ils deviennent vrais ; la seconde maintient qu’ils ne deviennent pas vrais. La première est une présentation de la vérité relative. Jé Tsongkhapa et Milarépa ont tous deux pris la première position.
Un chant de Milarépa en témoigne :
En accord avec les pensées de vous tous débutants,
le Bouddha omniscient a dit que tout existe.
Ceci présente la vérité relative ou conventionnelle de l’existence des phénomènes.
Pour ce qui est de la vérité ultime,
il n’y a même pas un bouddha …
Ceci présente la vérité ultime de la non-existence des phénomènes.
L’existant apparaissant comme des choses
et le non existant comme la vacuité
sont inséparables en essence et ont la saveur unique.
Ceci établit l’interdépendance des phénomènes ; ils apparaissent comme choses et sont vides par nature. Jé Tsongkhpa dit que relier les apparences et la vacuité ainsi, sans contradiction, était une vue particulière à l’école Kagyu. Il indiqua une phrase du Seigneur Gampopa, qui dit : « Quand vous réalisez la vacuité, vous devez être plus précis à propos de l’interdépendance », et ajouta que c’était un point crucial. Jé Tsongkhapa salua Pagmo Droupa Dorjé Gyalpo (disciple direct de Gampopa et fondateur des Pagdrou Kagyu) comme étant une autorité. Il fit l’éloge du mahamoudra bien que, plus tard, des érudits devaient l’accuser d’être une vue nihiliste. Il maintint que la meilleure tradition sur le tantra de Guhyasamaja venait de Marpa, dont les instructions directes aidaient les étudiants à développer la certitude. De même, il dit que la tradition la plus importante de Chakrasamvara venait de Naropa, augmentée d’enseignements d’autres maîtres indiens. Pour ce qui est de la phase d’achèvement des tantras père et mère, il recommanda les Six yogas de Naropa qui donnent l’explication la plus claire des points cruciaux.
Bien que la terminologie diffère, l’enseignement lui-même sur la vue, la méditation et la conduite dans les présentations de Tsongkhapa et des Kagyu est fondamentalement le même. Il existe quelques différences dans l’explication mais aucune différence significative quant au sens. Aucune preuve ne permet de suggérer un quelconque antagonisme de Jé Tsongkhapa envers les Kagyu. S’il réfutait parfois leur vue, nous devons nous souvenir qu’il réfutait également la vue des maîtres indiens. Nous devrions être enchanté que Jé Tsongkhapa ait soutenu que la précieuse lignée Kagyu était en accord avec lui, et être rassuré qu’il n’ait jamais rien fait pour nuire aux enseignements Kagyu. Au contraire, il les a soutenus et diffusés.
Il apparaît que Jé Tsongkhapa avait sa propre présentation de la vue de la Voie du milieu. Dans la Guirlande d’or de l’éloquence, il écrivit : « Je n’ai pas décrit la nature libre des élaborations des huit extrêmes, comme Nagarjouna et ses disciples l’ont fait, parce que les mots seuls effraieraient les gens. » Non seulement cela, son disciple direct Gœ Lotsawa Zheunnu-Pèl (historien tibétain, auteur des Annales bleues) décrivit comment « Jé Rinpoché apparut au Tibet, comme un bouddha qui apparaît dans le monde ». Quand Tsongkhapa allait au rituel de sojong, ou à tout autre rituel, il avait une telle magnificence qu’on avait l’impression que les montagnes elles-mêmes se mettaient à trembler. Dans un autre texte, le Grand médicament de l’Amrita, il est dit que même Vajrapani ne pourrait pas comprendre les qualités de Jé Tsongkhapa. Et pourtant, ses étudiants ne prêtaient pas toujours une attention particulière à tous ses enseignements, mais seulement à certains aspects.
Le Karmapa observe qu’en soulignant des points philosophiques particuliers, il se peut que les propres disciples de Jé Tsongkhapa soient devenus une gêne à la diffusion de ses enseignements. Jé Tsongkhapa lui-même avait la capacité d’enseigner à un large éventail d’étudiants, d’une capacité inférieure à une capacité supérieure.
Sa Sainteté conclut en insistant sur l’importance d’envisager les choses dans une perspective vaste. Si nous parvenons à envisager toutes les perspectives et à voir Jé Tsongkhapa au-delà d’une vue étroite et sectaire, alors, mieux nous verrons à quel point il a été bénéfique aux enseignements en général et a eu une influence durable sur toutes les lignées tibétaines.
Le sixième acte bon : les Trois Joyaux qui ne trompent pas
Ceci est la suite de l’enseignement du 11e jour.
La strophe dit :
A l’exception du véritable protecteur – les Trois Joyaux –
aucun autre refuge ne m’a donné confiance.
Les Joyaux connaissent toutes les joies et tous les maux ;
je n’ai pas placé le moindre crédit ou le moindre espoir en quelqu’un d’autre.
Je considère ceci comme un de mes actes bons.
Depuis son plus jeune âge, Mikyeu Dorjé se rappelait la mort, l’impermanence et la souffrance du samsara si vivement que cela lui donnait des insomnies ; il s’en plaignait toujours. Il disait que quand nous nous penchons sur le sens de l’impermanence, l’idée la plus utile à sa compréhension était la notion d’instantanéité. Les phénomènes ne perdurent pas au-delà d’un instant. Ils n’ont pas non plus besoin de conditions supplémentaires pour disparaître ; dès le moment où ils apparaissent, ils disparaissent naturellement. Les textes parlent de l’impermanence comme étant vacuité. A cause des explications des textes sur la logique, Mikyeu Dorjé développa la certitude que le sens de l’impermanence était vacuité.
Il dit :
La raison pour laquelle j’ai vu que les actions dédiées à cette vie et en particulier, les projets pour cette vie n’ont absolument aucun sens, et la compréhension que j’en ai eue, viennent de la lecture des namthar du Seigneur Milarépa et du Seigneur Gœtsangpa.
Sa Sainteté explique que Milarépa et Gœtsangpa sont les deux personnages de la lignée Kagyu qui sont vus comme éprouvant un total dégoût du samsara.
Maintenant, quel que soit l’ami que je quitte, je ne sens aucun déchirement en lien avec cette vie, même pour un instant.
En fait, Sa Sainteté commente, quand il n’a pas d’attachement à cette vie, quand il quitte des parents ou des amis, par exemple au moment de leur mort, il n’a pas d’attachement pour eux.
Je pense seulement que, peu importe avec qui je m’associe pour avoir une bonne situation dans cette vie, cela n’a pas de sens. Quand j’arrive dans un endroit qui, en cette vie, serait vu comme plaisant et beau, j’ai toujours le sentiment que les choses vont et viennent ; c’est comme louer une chambre dans une auberge pour quelques jours.
Mikyeu Dorjé expérimentait toujours ce sentiment d’impermanence. En résumé, Mikyeu Dorjé ne parlait que du dégoût du monde et du souhait de libération. On le critiquait derrière son dos et on le voyait comme instable, comme quelqu’un qui changeait toujours d’avis. Mikyeu Dorjé pensait que ceux qui le critiquaient devraient rentrer chez eux, tourner leur esprit vers l’intérieur et s’examiner très soigneusement dans la perspective suivante :
Est-ce que vous avez une idée de quand vous allez mourir ? Quand vous mourez, vous accrochez vos espoirs à vos minuscules pensées vertueuses du moment, mais cette vertu ne suffit pas pour déterminer où vous allez renaître. Ce n’est pas un fondement ou une base. Quelle que soit votre renaissance, quel que soit le nouveau lieu où vous renaissez, quels que soient vos nouveaux compagnons, vos nouvelles possessions, tout ceci sera sans attrait. Vous n’entendrez même pas les mots « les Trois Joyaux ». Il vous faudra passer toute votre vie entre méfaits et souffrance. Si vous naissez dans un tel corps, que ferez-vous alors ? Vous devez y réfléchir pour vous-même. Vous n’osez même pas y penser ! Ne devriez-vous pas penser : « Qu’est-ce que je vais faire ? » C’est pourquoi vous devez laisser tomber cette vie. Pour ce faire, peu importe les requêtes formulées par les parents, la famille, les amis puissants, ou votre suite et vos étudiants, ou peu importe les choses bonnes ou mauvaises que les gens disent, vous devez penser : « Il n’y a rien sur quoi s’appuyer ici. » Il est inutile de faire des choses mondaines pour amadouer vos parents ou votre famille ou vos amis puissants. Vous devez penser : « Fais ce que tu veux. Que ce qui doit arriver arrive. Que ce qui doit advenir advienne. »
En bref, ne vous laissez pas mener par le bout du nez. Vous devez contrôler vos pensées et vos actes.
Le septième acte bon : comment il a pratiqué le chemin de l’individu inférieur
Ceci est la première strophe de la deuxième partie principale, qui traite de comment Mikyeu Dorjé a pratiqué le chemin des trois types d’individus.
Cette strophe concerne le chemin des individus de capacité inférieure :
Une fois que j’ai compris que toute souffrance qui se produit
est le résultat de mes propres fautes, je n’ai pas pu accomplir en plein
des actes non vertueux, avec préparation, acte et conséquence.
Je n’ai pas accompli d’acte non vertueux en cette vie.
Je considère ceci comme un de mes actes bons. (7)
Sa Sainteté souligne la profonde connexion entre la septième strophe et la strophe précédente concernant prendre refuge en les Trois Joyaux. En général, de tout temps, la plupart des gens qui se disent bouddhistes ont répété :’les Trois Joyaux connaissent toutes les joies et toutes les peines’, ‘Je ne peux placer mes espoirs nulle part ailleurs’, ‘Je prends refuge’, mais sans comprendre le véritable sens des ‘Trois Joyaux’.
En fait, quand nous disons ‘le Joyau du Bouddha’, ceci fait référence à quelqu’un qui pense uniquement au bien des autres et qui, afin d’être bénéfique aux êtres, a abandonné tous ses défauts et a accompli toutes les qualités qui existent. Voilà le type d’individu qu’on appelle un bouddha. Et donc, il n’y a qu’un bouddha qui peut dire la vérité non fabriquée aux autres, et qui est incapable de mentir. Alors, qu’a enseigné le Bouddha ? Toute les perturbations qui s’élèvent naturellement nous tromperont et nous causeront du tort. Si nous accumulons les antidotes aux perturbations, ceci nous sera bénéfique. Il enseigna le karma, la cause et le résultat. Cependant, nous n’y croyons pas pleinement. Nous prétendons prendre refuge mais nos actes nous contredisent. Nous pensons que le bonheur dépend de la soumission des ennemis et de la compagnie des amis. Inutile de parler d’autres êtres, les bouddhistes ne s’entendent même pas entre eux. Nous aidons certains et refusons de nous associer à d’autres.
Nous, les religieux, nous avons des vues sectaires – mon école, leur école – nous critiquons d’autres écoles philosophiques et affirmons que nous avons raison. Quand nous entendons parler d’un acte inconvenant commis par un lama d’une autre école, nous faisons courir la rumeur tout en déversant une montagne de louanges sur ceux de notre groupe. Voici comment nous passons cette vie humaine. Afin d’atteindre notre but, nous prenons le plus cruel des nagas ou des dieux mondains comme refuge principal et invoquons son activité. Nous plaçons nos espoirs en des personnes influentes ou des bienfaiteurs fortunés au lieu de les placer dans les gourous et les Trois Joyaux. Nous ne nous confions pas nous-même aux Trois Joyaux.
A l’inverse, Mikyeu Dorjé se vouait pleinement aux gourous et aux Trois Joyaux. Il ne mélangea jamais les divinations, le chamanisme, l’astrologie ou l’accumulation de richesse avec les pratiques du dharma. Il soutenait que tout le mal et la souffrance qui nous arrivent ne peuvent être imputés aux circonstances extérieures ; ils sont que le résultat d’actes passés. Une fois notre confiance établie en la cause et le résultat karmiques, nous savons ce qui est à faire et ce qui est à abandonner ; et les résultats positifs qui adviennent sont la bonté des sources de refuge, le gourou et les Trois Joyaux. L’instruction de Mikyeu Dorjé était de prier les Trois Joyaux avec ferveur et de ne pas placer nos espoirs en d’autres refuges. Il disait que nos actes du corps, de la parole et de l’esprit ne devraient pas contredire les enseignements des gourous et des Trois Joyaux ; voici la signification de prier les Trois Joyaux et cela n’a rien à voir avec un air sérieux ou des gestes physiques.
Mikyeu Dorjé soulignait toujours que les événements étaient le résultat infaillible du karma, de la cause et du résultat. Chaque fois qu’il était malade, il en cherchait la raison dans son comportement passé. Une fois que Mikyeu Dorjé était malade, il dit : « Quelle mauvaise action ai-je du commettre pour qu’une telle maladie survienne ? » Un moine, du nom de A-yi Lama, dit : « Votre Sainteté est un bouddha, vous êtes le nirmanakaya d’un bouddha, alors, s’il-vous-plaît, ne dites pas cela ! Si vous parlez ainsi, il va nous arriver quelque chose de mal. » Mikyeu Dorjé répondit : « Lama, en ce monde, il n’y a pas d’autre vérité que la loi du karma de la cause et du résultat. Si je n’avais pas accumulé de mauvaises actions dans le passé, comment ceci pourrait-il se produire ? »
Une autre fois, à Tsari Tashi Jong, il ne se sentait pas bien, et il dit : « Si je dois me sentir mal ainsi physiquement, c’est parce que j’ai mangé de la nourriture donnée en offrande. » Quelle que soit la maladie ou la difficulté qui se présentait, Mikyeu Dorjé prenait sur lui le blâme ; il ne mettait jamais le blâme sur les autres. Comme l’ont dit les maîtres Kagyu « Ramenez tous les blâmes à un seul ». Il nous faut être capable de reconnaître nos propres défauts, conseille Sa Sainteté.
Quand de bonnes choses arrivaient, Mikyeu Dorjé attribuait ceci à la bonté des autres. S’il recevait beaucoup de richesse ou d’éloges, il disait : « Ceci n’est pas arrivé parce que j’ai une grande compassion et du pouvoir. Ce n’est pas parce que je sais ce que je fais. C’est seulement arrivé à cause de la bonté du glorieux Dusoum Khyènpa et de ses disciples. Voilà pourquoi j’ai l’estomac plein et je suis devenu célèbre. » Quand des événements indésirables affectaient ses disciples, ses étudiants, ses monastères, etc. , s’ils étaient par exemple attaqués par d’autres gens, s’ils perdaient de l’argent et des biens, ou s’ils étaient faussement accusés, il disait alors : « C’est la nature des choses que ce soit arrivé. C’est la nature du karma, la cause et l’effet. Ceci a été précédé d’une cause. Puisque nous n’agissons pas en accord avec le dharma, les protecteurs du dharma vont nous punir. » Il ne pensait ou ne disait jamais : « Comment est-ce que cela a pu nous arriver à nous ? » Ceux qui l’entouraient ne l’ont jamais vu s’inquiéter quand les choses se passaient mal. Quand des événements inauspicieux touchaient ses serviteurs ou ses étudiants, il disait : « C’est bien. Que ce qui arrive soit. » Et quand ils se rappelaient ses paroles, ils se sentaient réconfortés et soulagés.
Il avait une telle confiance en les gourous et les Trois Joyaux – à cause de l’interdépendance -, que ceux qui avaient placé leurs espoirs en lui obtenaient aussi bonheur et abondance, et ils développaient confiance et aspiration en les Trois Joyaux. Quand les gens récitaient son nom, il apparaissait dans leurs rêves et ils étaient libérés de la maladie ou d’autres formes de souffrance, des esprits, des döns et des faiseurs d’obstacles. On lui amenait des gens mortellement malades pour des bénédictions ; on les portait jusqu’à lui, mais ils étaient immédiatement revigorés et repartaient sur leurs deux jambes. Des étudiants racontaient que, quand ils étaient tombés malades, ils avaient senti en rêve son pied posé au sommet de leur tête; ils avaient senti sa chaleur. Puis, leur corps et leur esprit avaient été réconfortés et, au réveil, leur maladie était guérie.
La présence de Mikyeu Dorjé avait aussi un effet sur l’environnement. Quand il demeurait à Kongpo, les récoltes étaient bonnes. Il n’y avait pas de risque d’épidémie ou de famine là où il se trouvait. Toutes les choses essentielles comme le thé, la nourriture et les vêtements arrivaient de loin naturellement. Le Tibet est une région de tremblements de terre, et à Kongpo, il y eut sept tremblements de terre mais personne ne fut blessé, ce qu’on attribua à la présence de Mikyeu Dorjé. Une autre fois, à Pombor au Kham, un feu de forêt se rapprocha du Campement mais quand il fut au bord, il s’éteignit tout seul.
Mikyeu Dorjé ne voyait pas ces événements comme l’effet de ses grands pouvoirs et il disait :
Si vous n’abandonnez pas les dix actes négatifs et ne pratiquez pas les dix actes vertueux, vous ne pouvez pas empêcher la souffrance et vous n’obtiendrez pas les plaisirs des dieux et des royaumes humains.
Ceci est exprimé du point de vue des individus inférieurs.
De même, il dit :
Si vous n’êtes pas libéré de l’attachement au royaume du désir et aux royaumes supérieurs, et n’obtenez pas la félicité de dhyana et de l’absorption, vous n’obtiendrez pas le plaisir et la richesse des royaumes supérieurs.
Jusqu’à ce que vous réalisiez les défauts de la cause et du résultat samsariques, les vérités de la souffrance et de son origine, jusqu’à ce que vous reconnaissiez qu’il y a des problèmes et des défauts et que vous réalisiez qu’il n’y a pas de soi pour en faire l’expérience, il est impossible d’éliminer les afflictions des neuf niveaux et d’atteindre la libération de la souffrance. Vous ne pouvez pas atteindre le nirvana. Si vous ne reconnaissez pas que tous les êtres sont vos parents et si vous n’accumulez pas la vertu des six perfections, il est impossible d’empêcher la souffrance du devenir et d’atteindre le bonheur de l’omniscience.
En bref, Sa Sainteté remarque que, de nos jours, certains ne mettent pas les enseignements en pratique correctement. Ils ne cherchent qu’à battre leurs ennemis et aider leurs amis ; il sont sous l’influence des maras, et tout comme une pousse ne peut germer des cendres d’une graine brûlée, les Trois Joyaux ne peuvent pas les protéger. Si nous ne croyons pas en l’enseignement du Bouddha et suivons un enseignement erroné à la place, il est impossible que les Trois Joyaux nous aident.
Une fois, des étudiants de Mikyeu Dorjé voyageaient à travers le Kongpo. En chemin, ils arrivèrent à des monastères guéloukpas mais ceux-ci ne les laissèrent pas entrer. Les moines Guélouk avaient du aussi plus ou moins les blesser parce que les communautés et monastères Kagyu du Kongpo se rassemblèrent pour former une armée. Le conflit ne se passait pas bien et ils ont du faire appel à encore plus de gens, avec l’intention de détruire tous les monastères guéloukpas du Kongpo. Mikyeu Dorjé intervint et dit : « Si vous faites du tort même au plus petit des monastères guéloukpas, c’est comme si vous me tranchiez la gorge. » En conséquence, ils l’écoutèrent et ne touchèrent pas aux monastères guéloukpas.
Alors, des gens sont venus voir le Karmapa et l’accusèrent d’ignorer le bienfait des enseignements ou même de ruiner les enseignements Karma Kagyu. Mikyeu Dorjé répliqua : « Peu importe les choses négatives que les gens disent à cause de cette situation, je les prends sur moi. Savoir si j’ai ruiné les enseignements ou non revient à ce point : Avons-nous les antidotes dans notre être ? Avons-nous de la vertu dans notre être ou non ? » Beaucoup parmi les Kamtsang se plaignaient que, parce que les Guéloukpas avaient créé des problèmes, il aurait fallu faire quelque chose. Quelques uns comprenaient la position du Karmapa. Yangri Teunpa Kungsangwa, bon retraitant et pratiquant, fit l’éloge de Mikyeu Dorjé : « Le Karmapa nous a vraiment montré les signes de la pratique. Il a souvent laissé des empreintes de main ou de pied. Ce sont probablement des signes d’accomplissement, mais le vrai signe d’accomplissement est que, en réponse au tort causé, il apporte en fait des bienfaits. »
La majorité des disciples Kagyu critiquaient les actions de Mikyeu Dorjé, mais les Guéloukpas du monastère de Tsé Gungtang envoyèrent des moines voir Mikyeu Dorjé au Garchèn. Ils lui dirent que comme il les avait protégés pendant le conflit, ils avaient maintenant la conviction qu’il était Avalokiteshvara. Parce qu’ils reconnaissaient que les activités du Karmapa étaient celles d’Avalokiteshvara, ils étaient venus se confesser à lui. L’un des Guéloukpas fit alors la requête du lung d’une pratique de Gourou Rinpoché irrité. Mikyeu Dorjé répondit : « Vous, Guéloukpa, venez me demander à moi le Karmapa un dharma Nyingma. N’est-ce pas juste risible ? »
Sa Sainteté explique qu’il y avait eu des tensions entre les Guélouk et les Kagyu à l’époque du 7e Karmapa, mais que le conflit n’avait pas de vrai fondement, il ne s’agissait que de malentendus amplifiés par la rumeur. Dans l’ensemble, les monastères Kagyu et Guélouk du Kongpo entretenaient de bonnes relations. La plus grande source de tension étant le monastère de Lhassa, Mikyeu Dorjé l’abandonna. Voilà de bons exemples de la manière dont Mikyeu Dorjé apaisait les conflits partout où il allait.