Jour 19 : Les différents styles d’art tibétain : Mènlouk, Khyènlouk et Gardri

Enseignements du printemps du 17e Gyalwang Karmapa
à l’occasion de l’Arya Kshéma

La vie du 8e Karmapa Mikyeu Dorjé

7e Arya Kshéma
16 mars 2021

Sa Sainteté commence la session en mentionnant que c’est le plus long enseignement qu’il ait jamais donné. « A cause de la pandémie, nous ne pouvons pas voyager, aussi j’ai pensé que tout le monde aurait du temps ; et également à cause de la pandémie, les gens se tournent davantage vers le dharma, avec le souhait d’être libéré du samsara. » Il n’a pas fini sa présentation du texte des Actes bons, mais il a l’intention de poursuivre l’an prochain. Pour conclure l’enseignement de cette année, il aimerait se concentrer sur certains aspects du Grand Campement. 

Le 8e Karmapa diminua le faste et les cérémonies élaborées associées au Grand Campement, et il limita la célébration de Losar. Il déclina aussi les nombreuses invitations des bienfaiteurs fortunés de l’Amdo et du Kham. Il préférait rester dans des régions plus pauvres du Tibet, où les occasions de commettre des actes négatifs étaient plus rares et il y avait moins d’obstacles à la pratique. C’était une époque où il y avait de nombreuses factions et des conflits entre les seigneurs des différentes régions. Pour vivre parmi eux, il lui fallait de l’habileté pour les satisfaire tous. Il choisit de demeurer dans des endroits isolés et des ermitages de montagne dans l’Ü-Tsang, où en général il y avait moins de bagarres ou de problèmes. Cependant, ils étaient nombreux dans son entourage à être en désaccord avec sa décision et à le critiquer. Voici ce qu’ils pensaient :

Au Kham et au Kongpo, les gens ont plus de foi en nous et on y a plus de liberté ; alors, pourquoi reste-t-il en Ü-Tsang où les autorités ont peu de foi et où les offrandes sont rares ? Concernant ces deux aspects, cette région est bien pire que le Kham ou d’autres régions similaires, alors pourquoi rester ? Non seulement son activité n’est pas florissante, mais il n’a pas de liberté et doit tenir compte des autres. Il ne fait que se rendre les choses difficiles. 

Certains votaient avec leurs pieds et quittaient le Campement pour retourner dans leur région d’origine.

Puis, le Karmapa se penche sur la motivation de Mikyeu Dorjé. Ses fidèles l’accusaient de manquer de sagesse et d’avoir peu d’intérêt à promouvoir les enseignements Kagyu. Est-ce que c’était le cas ? Depuis l’enfance, Mikyeu Dorjé a toujours montré son indépendance et sa grande détermination. Quand l’empereur Ming l’invita, alors que tout le monde, y compris le changzö, insistait pour qu’il accepte, il déclina l’invitation. Il choisit de suivre des gourous authentiques tels que Sangyé Nyènpa Rinpoché. Ses décisions étaient fermes, et une fois qu’il fut en charge du  Grand Campement, il introduisit des réformes strictes de façon à éradiquer les excès et les écarts de conduite qui s’étaient développés depuis la mort de Cheudrak Gyatso. Du temps du 8e Karmapa, le campement s’améliora peu à peu et devint un centre florissant pour la lignée Karma Kamtsang. Il fonda Karma Shungluk Ling, un shedra [pour l’étude des soutras et de la philosophie], et Rigdzin Khacheu Ling, un tsokdra [pour l’étude des tantras et des rituels]. Il y avait aussi 300 à 400 personnes en retraite solitaire dans des tentes à une place, et également des autels très ornés. 

C’était en outre une période où la créativité était en plein essor. Deux personnes, dont on disait qu’elles étaient des émanations de Mikyeu Dorjé, Teupa  Namkha Tashi et Dakpo Gopa Nangso Sidral Karma Gardri, créèrent deux nouveaux styles artistiques : Gardri ‘la peinture du Campement’, et Garluk ‘la sculpture du campement’. On peut ainsi noter que le 8e Karmapa ne s’intéressait pas aux aspects extérieurs du Grand Campement ou à sa propre glorification. Au contraire, il travaillait dur pour maintenir les traditions des textes et de la pratique, tout en œuvrant à la promotion de la culture tibétaine. Il ne se contentait pas de suivre les traditions anciennes, mais il initia de nouvelles traditions. Pour Mikyeu Dorjé, cela ne rendait pas ses activités impures. Parce qu’il devait satisfaire les besoins d’une infinité d’êtres, il avait besoin de différentes méthodes pour les dompter, en fonction du lieu et de l’époque.

Dans ses Instructions pour le Seigneur de Kurappa et ses neveux dans les Cent courtes instructions, il explique son objectif : 

Aussi, si certains guides qui sont des sources de refuge font le bien des êtres avec des méthodes qui ne sont pas en accord avec les exemples ou usages de la pratique du dharma de leurs propres gourous du passé et du vrai dharma d’antan, certains pourront dire : « Ces gourous suivent des exemples et des pratiques du dharma qui ne sont pas en accord avec ceux de leurs prédécesseurs Kagyu, et donc ces individus sont impurs. » Et ils ne les considèreront pas comme des sources de refuge. Cette vue est terriblement fausse. Quand des gourous, par l’exemple qu’ils donnent et leurs méthodes de la pratique du dharma, mènent à bien leur activité selon des façons qui sont inconciliables avec certains aspects des coutumes de maîtres précédents, leur activité n’en devient pas impure. Les êtres ont une infinie diversité de capacités et d’inclinations, et afin de les dompter, les gourous utilisent une variété inestimable d’exemples et de méthodes pour la pratique du dharma. Puisqu’ils les domptent ainsi, il est logique de générer une foi et un respect encore plus grands pour leur sagesse, leur amour et leur pouvoir, car tous les exemples et les méthodes pour la pratique du dharma offerts par le gourou n’ont qu’un seul but, celui de purifier les royaumes des êtres. 

Afin de faire le bien des êtres, il fit des réformes qui s’accordaient avec une nouvelle époque et de nouveaux étudiants, commente Sa Sainteté. Il fut en outre critiqué pour avoir décrit la vue de la vacuité différemment de son prédécesseur. Alors que les 3e et 7e Karmapas avaient essentiellement enseigné la vue shentong (vide d’autre) et les enseignements du troisième tour de la Roue du dharma [l’école de l’esprit seul], Mikyeu Dorjé enseignait principalement la vue rangtong (vide de soi) et, en particulier, il suivait les enseignements de Chandrakirti [l’école de la Voie du milieu – Prasangika Madhyamika]. Les gens disaient que c’était inacceptable et faux. Même parmi ses étudiants, il y avait différentes explications sur la manière dont  Mikyeu Dorjé enseignait la vue ; certains disaient que sa vue était rangtong, alors que d’autres soutenaient que c’était shentong. Cependant, nombre de ses textes, mettent l’accent sur la vue rangtong.

Introduction au style de peinture Karma Gardri :

Sa Sainteté explique d’abord qu’il préfère la prononciation Karma Gar-ri du terme Karma Gar-dri. En tibétain, le mot dri peut renvoyer à la calligraphie aussi bien qu’au dessin et à la peinture ; il trouve donc qu’il est plus clair d’appeler le style de peinture Karma Gar-ri, autrement quand ils entendent le terme Karma Gardri, les gens peuvent penser qu’il s’agit d’un style de calligraphie spécifique au campement. 

Le style de peinture Karma Gar-ri est devenu un style tibétain exceptionnel qui s’est développé dans le Garchèn sous les instructions des Karmapas et de leurs fils de cœur. Il est apparu comme un style artistique tibétain nouveau, qui a enrichi des formes artistiques tibétaines plus anciennes avec des techniques et des styles empruntés à d’autres cultures. Il s’est largement répandu et il existe encore aujourd’hui. 

Le développement des formes artistiques tibétaines

Comment ces formes d’art se sont-elles développées ? On les trouve à partir des 7e et 8e siècles, avec la première diffusion des enseignements bouddhistes au Tibet, quand les rois tibétains ont fondé divers monastères : Rasa, Pékar, Samyé, Khamsoum Midok, etc. Par exemple, au temple de Rasa Trulnang Shalré [construit vers 652], une large peinture murale comporte ces mots :

Khènpo Gor Yeshé Yang, Guélong Tak Yeuntèn Dé et Gé Namkay Nyingpo Yang ont dessiné ces figures et ce dharma pour le bien du roi et de tous les êtres.

[Le roi dont il est question est Songtsèn Gampo. Il construisit le temple de Lhassa où se trouve la représentation de Vajra Akshobhya, apportée du Népal par sa femme népalaise, la Princesse Bhrikuti. Cinquante ans plus tard, le temple fut renommé le Jokhang, et demeure à ce jour la partie la plus ancienne d’un temple beaucoup plus vaste.]

C’est à partir de cette époque que s’est instaurée une tradition artistique au Tibet. De nos jours, au Tibet même, de nombreux érudits contemporains croient que la célèbre représentation de Jowo Shakyamouni Bouddha dans le Jokhang fut fabriquée au Tibet même, plutôt qu’apportée de Chine par l’autre femme de Songtsèn Gampo, la Princesse Wènchèng de la dynastie chinoise Tang. De même, on trouve aussi des sculptures faites en l’an 804 de notre ère à la grotte de Vairochana, à Drakyab Ra, au Kham, et en 806 à Kyékundou au Kham, que l’on peut encore voir de nos jours. Elles sont sous la protection de Khènchèn Thrangou Rinpoché.

Également, du temps de l’empire tibétain, les artistes ont commencé à signer leurs œuvres. L’exemple le plus ancien vient de Dunhuang : une peinture sur soie du Bouddha Médecin et d’Avalokiteshvara à 1000 bras datant de l’an 836 de notre ère, qui se trouve maintenant au British Museum. Elle est signée ainsi :

En l’année du Dragon, moi, le moine Palyang, pour servir son corps, j’ai dessiné le Bouddha Médecin, Samantabhadra, Manjushri juvénile, Avalokiteshvara à 1000 bras, le joyau qui accomplit les souhaits, et les dédicaces.

A l’époque de la transmission ultérieure des enseignements, Lochèn Rinchèn Sangpo (958-1054) construisit plusieurs monastères. Il construisit Toling en 996, et on peut encore voir les peintures murales de Toling. Il existe aussi des peintures murales aux grottes de Dungkar Sargo et de Wachèn. [Sa Sainteté montre alors deux des peintures murales du monastère de Toling, qui peuvent dater du temps de Lochèn Rinchèn Sangpo, d’autres étant ultérieures.]

Sa Sainteté continue avec des exemples de peintures murales qui existent encore, puis il mentionne le moine Ngönshé, très célèbre terteun. Il naquit en 1012, et en 1081, il fonda le monastère de Pal Dratang. Ses neveux, Joungné et Joungtsul, terminèrent la construction en 1093. Sa Sainteté montre des photos d’une peinture murale du 11e siècle qui s’y trouve toujours, ainsi qu’une de Shalu. Au 12e siècle, du temps du 1er Karmapa, Dusoum Khyènpa, il y avait un artiste célèbre de Ga au Kham, qui s’appelait Kyura Lhachèn. Bien qu’il ait fait quelques peintures, il était essentiellement sculpteur et faisait des représentations moulées. Une de ses œuvres était la statue connue comme « les Sept merveilles de Dusoum Khyènpa », qui se trouvait au monastère de Karma Gœn. Elle a été détruite pendant le révolution culturelle, mais quelques fragments ont été sauvés et ramenés au monastère. 

Un peu après 1263, du temps de Karma Pakshi, l’artiste et sculpteur Pakshi de Payul fut invité au monastère de Tsourpou. Il réalisa la statue du Bouddha « Ornement du monde » ; coulée en cuivre et en laiton, elle mesurait 13 envergures de bras de hauteur et était la plus grande statue moulée au Tibet. Elle était tellement solide qu’ils n’ont pas réussi à la détruire pendant la révolution culturelle. Dans les années 1970 cependant, un artisan qui visitait Tsourpou se rendit compte qu’elle avait été moulée ; il utilisa du feu pour la fondre et la détruisit ainsi. 

Au 14e siècle, à partir de 1306, Shalu Drakpa Gyaltsèn réalisa les peintures murales à Shalu Serkhang. 

Le monastère de Gyangtsé Palkhor Cheudé fut construit entre 1370 et 1425 et compte de nombreuses statues et peintures murales. Puis, en 1427, on construisit le Stoupa de Gyangtsé Kumbum avec ses grandes peintures murales et ses statues, que l’on peut encore voir aujourd’hui. Sa Sainteté montre deux représentations de Tara de Gyangtsé Palkhor Cheudé, qui furent peintes par deux artistes, Pachèn Rinchèn et Sonam Paljor, qui étaient les enseignants du grand maître et artiste Mènla Deundroup. 

Jusqu’au 15e siècle, la plupart des peintures et sculptures au Tibet étaient soit de style indien ou, essentiellement, de style népalais newari. Comment s’est donc développée une forme artistique spécifiquement tibétaine ? 

Bhikshu Rinchèn Chok (né en 1664), du Lac du lait à Gyaltang, au Kham, en fait un compte-rendu dans un texte intitulé la Lumière du grand soleil : Commentaire sur la présentation des caractéristiques des formes corporelles, appelé l’Essence du Bon, qu’il composa au monastère de Tsourpou en 1704. Il explique que généralement au Tibet, il y avait le style de la période des rois, qui s’était largement répandu. Puis, peu de temps après, une émanation de Manjushri, Mènla Deundroup, naquit à Mèntang au Lhodrak. A cette époque, il y avait un grand gisement de vermillon dans la région, qui était essentiel dans la fabrication des peintures et des encres. Mènla Deundroup était un laïque qui était marié, mais il dut quitter la région à cause de problèmes avec sa femme. Il se rendit à Tsang où il étudia l’art avec Dopa Tashi Gyalpo. A Dratang, il y avait une peinture particulière de style chinois et quand Mènla Deundroup la vit, il se souvint immédiatement de sa vie passée quand il était artiste en Chine. Grâce à ce souvenir de sa vie passée, il se mit à utiliser un style artistique unique et pleinement abouti. De plus, il définit les mesures et les proportions selon les tantras de Kalachakra et de Samvarodaya, tantras qui précisent les proportions, les vêtements et les accessoires des différentes divinités. Ce style devint connu sous le nom du Grand style Mèntang.

Gyalwa Guèndun Droubpa, le 1er Dalaï-Lama, vit en rêve qu’il devait rencontrer une émanation de Manjoushri le jour suivant, et ce même jour suivant Mènla Deundroup vint le voir. Le Dalaï-Lama en déduisit que Mènla Deundroup était une émanation de Manjoushri. Quand Guèndun Droubpa fonda le monastère de Tashilhunpo à Shigatsé, il demanda à Mènla Deundroup de réaliser les peintures murales représentant Vajradhara et les Seize Arhats. Les peintures existent toujours mais elles sont très estompées, selon Sa Sainteté. Il y a quelques années, on découvrit une thangka au monastère de Sakya au Tibet, et au dos il est écrit « peint par Mènla Deundroup ». [Sa Sainteté montre des photos de la thangka et de l’inscription notée au dos.] Sa Sainteté suggère qu’il faudrait plus de recherches sur le style et les méthodes de travail de Mènla Deundroup, style qui devint connu sous le nom de tradition Mènluk. 

Un de ses compagnons et un camarade d’étude de Dopa Tashi Gyalpo était Khyèntsé Chènmo, du Haut Gang dans le Gongkar. Lui aussi développa un style artistique particulier, connu comme le style Khyènluk. Sa Sainteté montre des photos de peintures murales qui existent encore, réalisées par Khyèntsé Chènmo, que l’on peut voir au monastère de Sakya Dorjédèn au Gongkar. Après la pause, il montre deux autres peintures de la lignée Droukpa, qui sont probablement aussi de Khyèntsé Chènmo. Ainsi, dès la fin du 15e siècle, les deux plus anciennes traditions artistiques tibétaines existaient déjà, la tradition Mènluk [aussi appelée Mèn-ri] et la tradition Khyènluk [aussi appelée Khyèn-ri].

Puis apparut un troisième style distinct, développé par Tulkou Chiu. Il étudia l’art avec beaucoup de diligence ; il voyageait avec ses peintures et son matériel et étudia auprès de différents maîtres. C’est ainsi qu’il hérita du sobriquet chiu, qui signifie ‘oisillon’ en tibétain, parce que, tout comme un oisillon, il voletait constamment de ci de là. La première partie de son nom, Tulkou, ne renvoie pas à une réincarnation ou une émanation, dans ce contexte ; c’est un titre donné à des artistes qui font des statues et des peintures des bouddhas et bodhisattvas. Il était célèbre pour son utilisation magistrale de la couleur. 

Il existait bien sûr beaucoup d’autres styles au Tibet, mais la plupart d’entre eux peuvent entrer dans l’un de ces trois styles majeurs. Dans son texte, la Lumière du grand soleil : Commentaire sur la présentation des caractéristiques des formes corporelles, appelé l’Essence du Bon, Bhikshu Rinchèn Chok décrit les origines de ces trois styles. Le Catalogue des offrandes de l’Ornement du monde, du Seigneur Sangyé Gyatso, écrit en 1697, est la source essentielle pour les historiens des traditions Mènluk et Khyènluk. Il mentionne Dopa Tashi Gyalpo, ses étudiants Mènla Deundroup et Khyèntsé Chènmo, et le style Chiu. Le style Gardri n’est, cependant, aucunement mentionné ; la raison n’en est pas claire, mais Sangyé Gyatso écrivait à une époque où la lignée Karma Kagyu était réprimée, et donc toute mention au Garchèn était aussi supprimée.

Guéshé Tènzin Puntsok de Marsheu Gojo [né en 1673] était spécialisé en médecine tibétaine et en astrologie. Il écrivit aussi sur les techniques de coloration dans un texte intitulé Donner des couleurs aux fleurs et faire ressortir les 100 000 couleurs des arcs-en-ciel. Dans cet ouvrage, il écrivit une histoire de l’art tibétain similaire à celui de Sangyé Gyatso. En 1716, il écrivit la Longue explication de la consécration : le Sourire qui plaît à Maitreya, huit parties d’excellents augures. Ceci reprend ce que Sangyé Gyatso a écrit sur ‘les trois grands styles’. 

Le développement du style Gardri

Le premier texte qui traite du développement du style Gardri est la Lumière du grand soleil : Commentaire sur la présentation des caractéristiques des formes corporelles, appelé l’Essence du Bon. Son auteur était Bhikshu Rinchèn Droupchok de Gyaltang qui, à l’âge de 8 ou 9 ans, rencontra le Karmapa Cheuying Dorjé. 

Nombre d’historiens d’art contemporains qui ont fait des recherches sur l’art tibétain disent que Karmapa Cheuying Dorjé est l’un des artistes tibétains majeurs. Au début de sa vie, il peignait dans le style Mènri, et plus tard dans sa vie, il a utilisé  les styles cachemiri et chinois. Il fusionna ces deux styles pour produire sa propre technique de dessin et de coloration. Son œuvre est très caractéristique ; quand vous la voyez, vous savez tout de suite que c’est l’œuvre de Cheuying Dorjé. 

Quand le jeune Rinchèn Droupchok rencontra Cheuying Dorjé, le Karmapa lui dit de dessiner des représentations du Bouddha. Le Karmapa les consacra et annonça qu’à l’avenir, Rinchèn Droupchok serait très doué en dessin et en peinture et qu’il deviendrait un grand artiste. Plus tard, quand Rinchèn Droupchok eut 20 ans, le 6e Gyaltsap, Norbou Sangpo, lui dit : « Il n’y a personne pour perpétuer le style Gardri, c’est une situation bien difficile pour le style Gardri … personne d’autre que Tulkou Awo Netso ne peint dans le style Gardri ; il faut donc que tu ailles étudier la peinture avec Tulkou Awo Netso. »

A l’époque du 8e Karmapa, il y avait un étudiant de Keunchok Pèndé (contemporain de Namkha Tashi), qui s’appelait Yangchèn Tulkou Teupa ; c’était un serviteur du 6e Shamar, Cheukyi Wangchouk. On disait qu’il pouvait se souvenir de sept vies antérieures, pendant lesquelles il avait été artiste. En particulier, dans sa vie précédente, il avait été cha netso, un perroquet (en tibétain netso veut dire ‘perroquet’; cha netso veut dire ‘oiseau perroquet’) et il  avait entendu de nombreux enseignements sur la peinture donnés par le 5e Shamar. A cause des empreintes laissées par cette vie, il s’en était rappelé dès son plus jeune âge, et on lui avait donné le surnom de Tulkou Awo Netso. (Il vécut jusqu’à l’âge de 71 ans.) Cependant, personne ne s’était occupé de lui et il avait traversé une période difficile. Aussi, Gyaltsap Norbou Sangpo envoya des provisions de nourriture et des vêtements. Rinchèn Droupchok passa neuf mois à étudier l’art avec lui et apprit les bases du style Gardri. Peu de temps après, l’enseignant mourut.

Plus tard, un autre artiste du nom de Tsépèl encouragea Rinchèn Droupchok à écrire sur le style Gardri et les proportions. Et donc, sept ans plus tard, il écrivit la Lumière du grand soleil : Commentaire sur la présentation des caractéristiques des formes corporelles, appelé l’Essence du Bon. C’était en 1704, quand il avait 41 ans et résidait au monastère de Tsourpou. Sa Sainteté dit que personne ne sait qui a écrit le texte racine, l’Essence du Bon, aussi est-il essentiel de continuer les recherches. Le commentaire de Rinchèn Droupchok donne les proportions du style Gardri et en constitue la source la plus ancienne et la plus respectée. Selon Sa Sainteté, ce texte est l’un de ceux que tous les artistes de l’école Gardri devraient étudier et explorer. Awo Netso est mentionné dans les œuvres complètes du 13e Karmapa :

 Du temps du 5e Karmapa, Keunchok Yènlak,

Il y avait un certain Netso,

Qui plus tard devint moine sous le nom de Tulkou Awo Netso ;

Il devint célèbre pour son talent en art. 

Sa Sainteté fait ce commentaire : « Du temps de Keunchok Yènlak, il y avait Awo Netso, un perroquet. Ce perroquet avait une très belle voix, et plus tard, dans sa vie suivante, il devint moine et artiste et on l’appela Tulkou Awo Netso. »

Le commentaire de Rinchèn Droupchok, la Lumière du grand soleil, contient une histoire détaillée de la tradition Gardri. Sa Sainteté paraphrase le texte avec quelques ajouts :

Alors, quelle est notre propre tradition ? Dans le style Gardri, il y a Tulkou Namkha Tashi, qui est celui qui a créé le style Gardri. Tulkou Namkha Tashi est né dans la région de Yarteu. Quand il était enfant, Mikyeu Dorjé a dit qu’il était sa propre émanation. Non seulement il a dit cela, mais il a aussi dit qu’il accomplirait l’activité de son corps, de façon à ce que Namkha Tashi ait l’intention de s’engager dans l’activité artistique ; voilà pourquoi Mikyeu Dorjé l’a reconnu comme émanation. Il l’a placé sous la direction de Shamar Keunchok Yènlak.

Il y avait également un fortuné venu de l’Est qui s’appelait Keunchok Pèndé, de la région de É. Quant à cette région de É, beaucoup d’artistes en étaient originaires, en particulier des peintres. Nombre des plus grands peintres du Tsang venaient de la région de É. On disait que Keunchok Pèndé était une émanation de Gyasa Kongjo (les Chinois l’appelle Wong Chong Kung).

Namkha Tashi recevait les instructions de Shamar Keunchok Yènlak et Keunchok Pèndé de Gyaltsap Drakpa Deundroup. Tous deux suivaient la traditionde peinture indienne lima et la tradition tibétaine Mèntang comme base, et dessinaient des paysages avec coloration comme Sitang du temps des empereurs Ming. A l’époque du 5e Karmapa, Deshin Shèkpa, et de l’empereur chinois Yonglé, il y avait beaucoup d’événements merveilleux et ils furent représentés sur une peinture, dont existaient deux exemplaires ; l’empereur en garda un, et l’autre fut donné au Karmapa, puis au monastère de Tsourpou, et il existe encore aujourd’hui. Cette peinture est un exemple du style Ming. Namkha Tashi et Keunchok Pèndé utilisaient ce style de peinture venu de Chine, puis ils développèrent le style artistique appelé Gardri. 

De même, il y avait un sculpteur très habile qui s’appelait Karma Sidral – on le surnommait ‘Go le fou’, et il avait un étudiant, Po Bowa, dont on disait aussi qu’il était une émanation du 8e Karmapa. Il y avait d’autres personnes, comme Karma Rinchèn, qui étaient spécialistes dans ce style de sculpture, mais du temps de Rinchèn Droupchok, ce style de sculpture avait déjà disparu. Ce qui fait qu’à l’époque, il n’y avait pas grand chose à voir.

Sa Sainteté poursuit en disant que, bien qu’en général Namkha Tashi fût reconnu comme étant le créateur du style Gardri, il travaillait également avec Keunchok Pèndé, et donc tous deux devraient être reconnus comme créateurs de ce style. 

Dans la période plus récente, la source principale qui est utilisée pour l’histoire du style Gardri est le Trésor des connaissances de Jamgœn Kongtrul Lodreu Thayé. Il y est dit ceci :

Il y avait Tulkou Namkha Tashi de Yarteu. Mikyeu Dorjé a dit qu’il était sa propre  émanation et qu’il propagerait l’activité artistique. Avec l’instruction de Shamar Keunchok Yènlak et de Gyaltsap Drakpa Deundroup, le fortuné de l’Est, Keunchok Pèndé de É, étudia le style Mènluk avec l’émanation de Gyamo Sa Kokjo. Les proportions de la tradition indienne lima et de la tradition Mèntang étant utilisées comme base, et le dessin des paysages avec de la coloration comme Sitang du temps des empereurs Ming, voilà ce qu’on a coutume d’appeler le style Gardri.

A nouveau, Sa Sainteté insiste sur le fait que Tulkou Keunchok Pèndé devrait être reconnu tout autant que Namkha Tashi.

Pour terminer, le Karmapa souligne que, bien qu’à l’heure actuelle au Tibet, beaucoup de gens peignent dans le style Gardri, il demeure encore de nombreuses pages blanches dans son histoire. Il est donc important d’apporter des précisions au  sujet, en identifiant le style de peinture Gardri et ses proportions, ainsi que les différences entre le style original et la version moderne. 

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